AKSOY c. TURQUIE
Karar Dilini Çevir:
AKSOY c. TURQUIE

 
 
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 47585/16
Abdülkadir AKSOY
contre la Turquie
 
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 5 mars 2019 en un comité composé de :
Julia Laffranque, présidente,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Arnfinn Bårdsen, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 4 août 2016,
Vu les informations fournies par le Gouvernement conformément à l’article 54 § 2 a) du règlement de la Cour,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
1. Le requérant, M. Abdülkadir Aksoy, est un ressortissant turc né en 1953 et résidant à Ankara. Il a été représenté devant la Cour par Me M.F. Aksoy, résidant à Ankara.
A. Les circonstances de l’espèce
2. Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
3. Le requérant est avocat. Il est handicapé de la main gauche en raison de la maladie de la poliomyélite dont il avait été atteint durant son enfance.
4. Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, un groupe de personnes appartenant aux forces armées turques, accusé d’être lié à une organisation illégale, le FETÖ/PDY (Fetullahçı Terör Örgütü / Paralel Devlet Yapılanması – « Organisation terroriste guleniste / structure d’État parallèle »), fit une tentative de coup d’État, qui échoua. Au cours de la nuit, plus de 240 personnes, majoritairement des civils, perdirent la vie en s’opposant aux putschistes.
1. La perquisition au domicile du requérant
5. En 2014, une enquête fut ouverte à l’encontre du requérant pour suspicion d’appartenance à l’organisation illégale susmentionnée.
6. Le 11 décembre 2015, le tribunal de première instance d’Akyurt délivra un mandat de perquisition du domicile du requérant, de ses véhicules et de ses ordinateurs, ainsi qu’un mandat de fouille sur lui-même.
7. Le même jour, une perquisition eut lieu à l’adresse indiquée dans le mandat en question, en présence du procureur de la République d’Ankara (« le procureur ») et de deux représentants du barreau d’Ankara. Le procès-verbal de perquisition et de saisie indique que les documents trouvés dans une pièce n’avaient pas été examinés car ils avaient été désignés par l’avocat du requérant comme étant des documents couvert par le secret professionnel.
8. Le 12 décembre 2015, conformément à la procédure en la matière, le tribunal de première instance d’Akyurt examina les documents litigieux, et, les considérant comme n’étant pas couvert par le secret professionnel, décida de les mettre à la disposition du procureur.
9. Le 4 janvier 2016, le tribunal de première instance d’Ankara rejeta l’opposition formée par le requérant contre les décisions du 11 et 12 décembre 2015 susmentionnées.
10. Le 29 février 2016, le requérant saisit la Cour constitutionnelle turque (« CCT ») d’une requête individuelle alléguant que la perquisition effectuée à son domicile et la saisie des documents relatifs au secret professionnel étaient illégales.
11. Le 31 mars 2016, les documents litigieux furent retournés au requérant au motif qu’ils ne contenaient aucun élément criminel.
12. Le 1er avril 2016, la CCT déclara la requête en question irrecevable au motif que le requérant n’avait pas introduit une demande d’indemnisation devant la cour d’assises en vertu de l’article 141 § 1 g), i) et j) du code de procédure pénale. Cette décision fut notifiée au représentant du requérant le 5 avril 2016.
2. La détention provisoire du requérant
13. Le 26 juillet 2016, le requérant fut placé en détention provisoire dans le bâtiment no 2 de l’établissement pénitentiaire de type L de Sincan à Ankara, après un examen médical.
14. Lors des examens médicaux du 26 août, 19 octobre, 14 novembre et 6 décembre 2016, des diagnostics de conjonctivite, d’infection pulmonaire et d’un problème auditif furent posés et les traitements médicamenteux correspondant furent fournis au requérant. Le 26 novembre 2016, une lime en papier lui fut fourni car il ne pouvait pas se couper les ongles.
15. Le 14 août 2017, le requérant fut transféré au bâtiment no 1 de la même prison.
16. Le requérant demeura dans des dortoirs similaires dans les deux prisons susmentionnées. Ces dortoirs sont divisés en sept unités de 12 m2, chaque unité disposant de deux toilettes, deux douches, trois salles d’eau, un espace de vie commun de 84 m2 et une cour de promenade de 60 m2. L’eau chaude est fournie quatre jours par semaine durant une demi-journée. Le dortoir du requérant était occupée par 35 codétenus dans le bâtiment no 2 et 29 dans le bâtiment no 1. L’unité du requérant était occupée par quatre codétenus. La qualité et la valeur nutritionnelle des trois repas quotidiens sont contrôlées conformément à l’article 72 de la loi no 5272 sur l’application des peines. Une cantine où de la nourriture et des boissons sont en vente est accessible aux détenus. Un corps médical est présent à l’infirmerie de chaque bâtiment. Il existe une salle de lave-linges que les détenus peuvent utiliser moyennant paiement dans le bâtiment no 2 où le requérant se trouvait précédemment. Il n’en existe pas au bâtiment no 1. Toutefois, du matériel est fourni aux détenus qui souhaitent laver leurs linges à la main. Ils ont aussi la possibilité de les confier à leurs visiteurs, qui les leurs retournent propre lors d’une prochaine visite. Le requérant a droit à une visite toutes les deux semaines et a reçu 55 visites jusqu’en mars 2018.
17. Les 21 octobre et 10 novembre 2016, le requérant introduisit une demande de mesure provisoire devant la CCT pour demander sa libération au motif que son handicap l’empêchait de subvenir seul à ses besoins quotidiens. Il indiqua aussi que son handicap étant incurable, il ne voulait pas être transféré dans un autre établissement pénitentiaire doté d’un centre de thérapie physique et de réhabilitation, proposition apportée auparavant par l’administration pénitentiaire.
18. Le 2 décembre 2016, la CCT ordonna :
- à l’administration pénitentiaire de lui communiquer des informations détaillées et les documents pertinents sur les conditions de détention du requérant, et de prendre toutes les mesures nécessaires afin de fournir à l’intéressé des conditions adaptées à son état de santé,
- au procureur de la République d’Ankara d’obtenir un rapport médical sur l’état de santé du requérant.
19. Le 26 décembre 2016, sur la demande d’examen du requérant par le procureur, l’hôpital civil d’Ankara indiqua que le niveau d’handicap du patient n’était pas élevé, qu’il pouvait partiellement réaliser de manière autonome les gestes des activités quotidiennes, qu’il pouvait manger seul, subvenir seul à ses besoins d’hygiènes mais qu’il a besoin d’une assistance pour réaliser d’autres gestes quotidiens qui nécessitent l’utilisation des deux mains.
20. Le 3 janvier 2017, l’hôpital de l’établissement pénitentiaire indiqua que la force musculaire du bras gauche de l’intéressé était de 0/5, qu’il avait une dorsiflexion (élévation du pied) faible et une atrophie à la jambe droite, que sa performance de marche était normale, qu’il pouvait effectuer partiellement les gestes quotidiens en utilisant sa main droite, et qu’il ne présentait pas de symptôme nécessitant une hospitalisation dans un centre palliatif.
21. Le 24 janvier 2017, l’hôpital civil d’Ankara indiqua que le requérant était atteint des symptômes indiqués dans son rapport précédent depuis son enfance et qu’une réhabilitation active n’était pas nécessaire.
22. Le 9 janvier 2017, le requérant introduisit une nouvelle demande de mesure provisoire devant la CCT. Le 9 mars 2017, cette demande fut rejetée au motif que le dossier médical de l’intéressé ne permettait pas de dire que sa détention constituait un danger imminent à son intégrité physique ou mentale. La CCT souligna néanmoins que les autorités pénitentiaires devaient toujours lui fournir des conditions adaptées à son état de santé.
23. À la suite de cette décision, les autorités pénitentiaires demandèrent au requérant s’il préférait rester dans une unité de vie individuelle, question à laquelle le requérant répondit par la négative au motif que ses codétenus l’accompagnaient dans ses besoins quotidiens.
24. Le requérant introduisit aussi une demande de libération devant la cour d’assises d’Ankara pour motifs de santé. Des examens furent alors réalisés à l’hôpital universitaire de Hacettepe, lequel établit le 20 octobre 2017 que l’intéressé ne pouvait pas effectuer les gestes quotidiens nécessitant les deux mains.
25. Le 22 novembre 2017, au vu du dossier médical du requérant, l’institut médicolégal établit un avis par lequel il conclut à l’unanimité que le patient ne présentait pas de problème de santé qui puisse constituer un obstacle à sa détention tant que son régime alimentaire est respecté et qu’il bénéficie d’un suivi médical régulier.
26. Au vu de ce rapport, la cour d’assises d’Ankara rejeta la demande de libération du requérant.
27. Un rapport médical du 5 octobre 2018 de l’hôpital Körez Sincan indique chez le requérant une scoliose, une hernie, une certaine dégénération des vertèbres dont les tailles et signaux sont normaux, et un rétrécissement des foramens aux disques vertébrales C3 à C7. Le rapport se termine en indiquant qu’aucune pathologie ne fut détectée sur les tissus mous paraspinaux.
28. À ce jour, la procédure pénale à l’encontre du requérant est pendante devant la cour d’assises d’Ankara. Le recours individuel susmentionné est aussi pendant devant la Cour constitutionnelle.
B. Le droit interne pertinent
29. L’article 141 du code de procédure pénale (« CPP ») prévoit la possibilité pour un justiciable de demander réparation du préjudice découlant de l’application d’une mesure préventive à son égard. Les parties pertinentes de cette disposition sont ainsi libellés :
« 1) Dans le cadre d’une enquête ou d’un procès relatifs à une infraction, peuvent demander à l’État l’indemnisation de tous leurs préjudices matériels et moraux les personnes qui :
a. ont été arrêtées, placées ou maintenues en détention dans des conditions et circonstances non conformes aux lois ; (...)
d) même régulièrement placées en détention provisoire au cours de l’enquête ou du procès, ne sont pas traduites dans un délai raisonnable devant l’autorité de jugement et concernant lesquelles une décision sur le fond n’est pas rendue dans ce même délai ; (...)
g) n’ont pas été dûment informé des motifs de leur arrestation ou détention ; (...)
i) ont fait l’objet d’un mandat de perquisition exécutée de manière excessive ;
j) ont fait l’objet d’une saisie de leurs biens alors que les conditions légales nécessaires ne sont pas réunis, (...). »
30. L’article 142 § 1 du CPP relatif aux conditions de la demande d’indemnisation se lit comme suit :
« La demande d’indemnisation peut être introduite dans les trois mois suivant la notification à l’intéressé de la décision finale et dans tous les cas de figure dans un an à partir de la date à laquelle la décision ou le jugement est devenu définitif. »
GRIEFS
31. Invoquant les articles 6, 8 et 13 de la Convention, le requérant se plaint de l’irrégularité de la perquisition effectuée à son domicile, le mandat de perquisition n’ayant été délivré que par un seul juge, et sans l’autorisation préalable du ministère de la Justice contrairement aux dispositions spécifiques concernant les avocats. Il soutient que le mandat de perquisition ne précisait pas non plus l’objet de la perquisition, ce qui atteste que les documents relatifs à ses clients avaient aussi été irrégulièrement saisis. Enfin, il indique que les décisions rendues dans le contexte de cette perquisition étaient insuffisamment motivées, et qu’il n’existe pas de voies de recours effectives puisque son recours devant la CCT, déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours en dommages et intérêts, ne visait que l’établissement de l’irrégularité de la perquisition, et non pas une demande de dédommagement.
32. Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant considère que ses conditions de détention ne sont pas conformes à son handicap et emporte violation de cette disposition car il ne peut subvenir seul à toutes les activités quotidiennes de la vie. Il conteste les rapports médicaux au motif que les médecins signataires ont évalué les conditions carcérales de manière générale, sans connaître les conditions concrètes dans lesquelles il se trouve. Il précise qu’il ne peut pas boutonner ses habits, couper ou éplucher sa nourriture, laver sa vaisselle ou son linge, ou transporter un objet à tenir avec les deux mains et qu’il est difficile pour lui d’utiliser les toilettes à la turque. Il indique aussi qu’il avait besoin d’une assistance pour tenir la lime en papier pour ongles de manière fixe, et que d’ailleurs, depuis son transfèrement au bâtiment no 1 de la prison type L de Sincan, il n’a été autorisé à utiliser la lime qu’une seule fois. Il allègue aussi que sa santé se dégrade au fur et à mesure, en particulier son ouïe qui se détériore, car les conditions de détention sont inadéquates et qu’il a besoin d’une assistance professionnelle.
EN DROIT
A. Sur l’article 8 de la Convention
33. Le requérant allègue l’irrégularité de la perquisition effectuée à son domicile.
34. La Cour observe que par sa décision du 1er avril 2016, la Cour constitutionnelle a spécifiquement indiqué au requérant que le recours prévue à l’article 141 § 1 i) et j) était à épuiser pour ce grief (voir le paragraphe 12 ci-dessus).
35. La Cour rappelle avoir déjà dit que ledit recours prévue aux alinéas a) et d) du même article du CPP était à épuiser dans le cadre des griefs relatifs à la régularité et à la durée d’une détention (Demir c. Turquie (déc.), no 51770/07, §§ 17-35, 16 octobre 2012, et Mustafa Avcı c. Turquie, no 39322/12, § 63-67, 23 mai 2017).
36. S’agissant de la possibilité d’introduire une action en réparation sur le fondement de l’article 141 § 1 i) et j) du CPP, la Cour note que le libellé de l’alinéa i) prévoit une indemnité lorsqu’une perquisition est « exécutée de manière excessive ». La Cour rappelle que, lorsqu’il existe un doute sur l’effectivité et les chances de succès d’un recours interne – comme le soutient le requérant – ledit recours doit être tenté puisqu’il s’agit d’un point qui doit être soumis à l’appréciation des tribunaux (Mehmet Hasan Altan c. Turquie, no 13237/17, § 96-102, 20 mars 2018, et les références qui figurent à ces paragraphes).
37. En l’espèce, la Cour note que la plus haute instance judiciaire nationale ayant établi que le requérant devait utiliser ce recours, celui-ci était tenu de saisir les tribunaux d’une demande fondée sur l’article 141 § 1 i) et j) du CPP, ce qu’il n’a pas fait.
38. La Cour rejette donc cette partie de la requête pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
39. La Cour souligne toutefois que cette conclusion ne préjuge en rien, le cas échéant, d’un éventuel réexamen de la question de l’effectivité du recours en question, et notamment de la capacité des juridictions nationales à établir, relativement à l’application desdites dispositions, une jurisprudence uniforme et compatible avec les exigences de la Convention (Korenjak c. Slovénie (déc.), no 463/03, § 73, 15 mai 2007, Mehmet Hasan Altan, précité, § 102).
B. Sur l’article 3 de la Convention
40. Le requérant se plaint de l’incompatibilité des conditions de détention avec son handicap et invoque l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
41. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques et mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime, etc. (Gäfgen c. Allemagne [GC], no 22978/05, § 88, CEDH 2010, et Bouyid c. Belgique [GC], no 23380/09, § 86, CEDH 2015).
42. Dans cette perspective, il ne suffit pas que le traitement comporte des aspects désagréables (Guzzardi c. Italie, 6 novembre 1980, § 107, série A no 39, et Messina c. Italie (no 2) (déc.), no 25498/94, CEDH 1999-V).
43. L’article 3 de la Convention impose aussi à l’État de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 94, CEDH 2000‑XI, Matencio c. France, no 58749/00, § 78, 15 janvier 2004, et Ramirez Sanchez c. France [GC], no 59450/00, § 119, CEDH 2006‑IX).
44. Dans le contexte de la présente affaire, la Cour rappelle également que la règle de l’épuisement des voies de recours internes est une partie indispensable du fonctionnement du mécanisme de la Convention. Les États n’ont pas à répondre de leurs actes devant un organisme international avant d’avoir eu la possibilité de redresser dans leur ordre juridique interne les manquements dénoncés (Hasan Uzun c. Turquie (déc.), no 10755/13, § 68, 30 avril 2013).
45. En l’espèce, la Cour observe que le requérant a saisi la CCT de ces griefs et qu’elle a également soumis à cette juridiction une demande de mesure provisoire. Cette instance a ordonné à l’administration pénitentiaire de prendre toutes les mesures nécessaires afin de fournir au requérant des conditions adaptées à son état de santé, et au procureur de mettre à jour le dossier médical du requérant pour mener à bien son examen (paragraphe 20 ci-dessus). Ultérieurement, la seconde demande de mesure provisoire fut rejetée par la CCT au motif que le dossier médical de l’intéressé ne permettait pas de dire que la détention constituait un danger imminent à son intégrité physique ou mentale. La CCT souligna néanmoins à cette occasion que les autorités pénitentiaires devaient toujours fournir au requérant des conditions adaptées à son état de santé (paragraphe 24 ci-dessus). L’affaire est à ce jour pendante devant cette instance.
46. La Cour rappelle aussi avoir déjà dit que le recours individuel devant la Cour constitutionnelle turque était susceptible d’apporter un redressement approprié aux griefs tirés des articles 2 et 3 de la Convention (Kaya et autres c. Turquie (déc.), no 9342/16, 20 mars 2018). En l’espèce, elle ne dispose d’aucun élément qui lui permettrait de critiquer l’approche adoptée par la CCT dans l’examen des demandes de mesures provisoires introduites par le requérant, ni de se départir de la conclusion à laquelle elle était parvenue dans sa décision Kaya susmentionnée.
47. Eu égard à ce qui précède, la Cour juge cette partie de la requête prématurée et la déclare irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
48. La Cour rappelle toutefois qu’elle conserve sa compétence de contrôle ultime pour tout grief présenté par des requérants qui, comme le veut le principe de subsidiarité, ont épuisé les voies de recours internes disponibles (Radoljub Marinković c. Serbie (déc.), no 5353/11, §§ 49-61, 29 janvier 2013, et Hasan Uzun, décision précitée, § 71). Il sera donc loisible au requérant de saisir à nouveau la Cour à l’issue de la procédure qu’il a engagée, s’il s’estime toujours victime d’une violation de la Convention ou si la durée de cette procédure devient excessive à tel point que cela puisse engendrer des effets sur sa qualité de victime.
49. Dans le même contexte, la Cour serait sensible à toute mesure que les autorités turques pourraient prendre à l’égard du requérant, soit afin d’atténuer les effets négatifs de sa détention sur son état physique et psychologique, soit afin d’y mettre fin dès que les circonstances le demanderont (voir mutatis mutandis, Chartier c. Italie, no 9044/80, rapport de la Commission du 8 décembre 1982, Décisions et rapports (DR). 33, p. 41-47, § 55, et Balyemez c. Turquie, no 32495/03, § 96, 22 décembre 2005).
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 28 mars 2019.
Hasan BakırcıJulia Laffranque
Greffier adjointPrésidente

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