AFFAIRE ȘTEFU c. ROUMANIE
Karar Dilini Çevir:
AFFAIRE ȘTEFU c. ROUMANIE

 
 
 
QUATRIÈME SECTION
 
 
 
 
 
 
AFFAIRE ȘTEFU c. ROUMANIE
(Requête no 71299/14)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
ARRÊT
 
 
 
 
STRASBOURG
 
6 juin 2019
 
 
 
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Ștefu c. Roumanie,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en un comité composé de :
Georges Ravarani, président,
Marko Bošnjak,
Péter Paczolay, juges,
et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section f.f.,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 mai 2019,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  À l’origine de l’affaire se trouvent une requête dirigée contre la Roumanie et dont la Cour a été saisie en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») à la date indiquée dans le tableau joint en annexe.
2.  La requête a été communiquée au gouvernement roumain (« le Gouvernement »).
EN FAIT
3.  La liste des requérants et les précisions pertinentes sur la requête figurent dans le tableau joint en annexe.
4.  Les requérants se plaignent de la durée excessive de la procédure civile.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
5.  Les requérants allèguent que la durée de la procédure civile en question est incompatible avec l’exigence du « délai raisonnable ». Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
6.  Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, au motif que les requérants n’ont pas formé d’action civile en indemnisation contre l’État, sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle, pour se plaindre de la durée de la procédure civile.
7.  La Cour rappelle avoir récemment examiné le caractère effectif de cette voie de recours. À cette occasion, elle a constaté que ce n’était qu’à partir du 22 mars 2015 que l’action en responsabilité civile délictuelle constituait un recours effectif pour dénoncer la durée d’une procédure (Brudan c. Roumanie, no 75717/14, §§ 72-86 et 88-89,10 avril 2018).
8.  Dans la présente affaire, la Cour a été saisie à une date antérieure à celle susmentionnée. Dès lors, la Cour constate que l’action en responsabilité civile délictuelle n’était pas disponible aux requérants et qu’il ne saurait être exigé d’eux qu’ils aient usé de ce recours aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention. Il s’ensuit que l’exception soulevée par le Gouvernement doit être rejetée.
9.  La Cour rappelle que la durée « raisonnable » d’une procédure doit s’apprécier suivant les circonstances de la cause et à l’aide des critères suivants : la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000‑VII).
10.  Dans l’arrêt de principe Vlad et autres c. Roumanie (nos 40756/06 et 2 autres, 26 novembre 2013), la Cour a conclu à la violation au sujet de questions similaires à celles qui font l’objet de la présente affaire.
11.  Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, la Cour ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente quant à la recevabilité et au bien-fondé de la requête en question. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».
12.  Il s’ensuit que cette requête est recevable et révèle une violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
13.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
14.  Eu égard aux documents en sa possession et à sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d’allouer les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe et de rejeter le restant de la demande de satisfaction équitable.
15.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Déclare la requête recevable ;
 
2.  Dit que cette requête révèle une violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée excessive de la procédure civile ;
 
3.  Dit
a)  que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, les sommes indiquées dans le tableau joint en annexe, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.
 
4.  Rejette la demande de la satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 juin 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Liv TigerstedtGeorges Ravarani
Greffière adjointe f.f.Président

ANNEXE
Requête concernant des griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention
(durée excessive de la procédure civile)
No.
Numéro et date d’introduction de la requête
Nom du requérant et date de naissance
Nom et ville du représentant
Début de la procédure
Fin de la procédure
Durée totale
Nombre de degrés de juridiction
Numéro de dossier devant la juridiction interne
Montant alloué pour dommage moral par requérant
(en euros)[1]
Montant alloué pour frais et dépens par requête
(en euros)[2]   
71299/14
03/11/2014
Albert-Mihai Ștefu
27/08/1979
Lucreţia Ștefu
21/03/1954
Ioan Popescu
Târgoviște
03/06/2000
 
12/05/2014
 
13 années, 11 mois et 10 jours
 
2 degrés de juridiction
 
9800/315/2011*
 
9 000
420
 
[1].  Plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la partie requérante.
[2].  Plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par la partie requérante.

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