AFFAIRE SKRIPKIN c. RUSSIE
Karar Dilini Çevir:
AFFAIRE SKRIPKIN c. RUSSIE

 
 
 
TROISIÈME SECTION
 
 
 
 
 
 
 
 
AFFAIRE SKRIPKIN c. RUSSIE
 
(Requête no 12255/11)
 
 
 
 
 
 
 
 
ARRÊT
 
 
 
 
 
 
 
STRASBOURG
 
19 mars 2019
 
 
 
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Skripkin c. Russie,
La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en un comité composé de :
Branko Lubarda, président,
Pere Pastor Vilanova,
Georgios A. Serghides, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 février 2019,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 12255/11) dirigée contre la Fédération de Russie et dont un ressortissant de cet État, M. Gennadiy Vasilyevich Skripkin (« le requérant »), a saisi la Cour le 31 janvier 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. G. Matiouchkine, ancien représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, puis par M. M. Galperine, son représentant actuel.
3. Le 14 septembre 2015, les griefs concernant les conditions de transport du requérant ainsi que les restrictions apportées à son droit de visites en prison ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.
4. Le Gouvernement s’oppose à l’examen de la requête par un Comité. Après avoir examiné l’objection du Gouvernement, la Cour la rejette.
EN FAIT
LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1973. Il est détenu à Nijni Tagil.
6. Le 26 août 2009, le requérant, accusé d’une infraction pénale, fut arrêté et placé dans la maison d’arrêt no IZ-77/6 de Moscou.
A. Conditions de transport
7. Selon le requérant, pendant la période allant du 26 août 2009 au 12 janvier 2011, il a été transporté au tribunal de l’arrondissement Nagatinski de la ville de Moscou (« le tribunal ») à vingt-six reprises pour assister aux audiences relatives à la prorogation de sa détention provisoire ainsi qu’à son procès pénal. Le requérant soutient qu’il était transporté dans des fourgons cellulaires dans lesquels il était placé dans un compartiment dont la superficie ne dépassait pas 0,25 m², que les fourgons n’étaient pourvus ni de fenêtres ni de système de ventilation et que le chauffage n’y fonctionnait pas. Le requérant expose, par ailleurs, que, les jours de transfert au tribunal, il n’était pas nourri. Il indique également que, à son arrivée au tribunal, il était placé dans une cellule temporaire mesurant 4 m² et dépourvue de fenêtres où il n’y avait ni toilettes ni arrivée d’eau.
B. Visites familiales
8. Le 28 décembre 2009, l’épouse du requérant demanda l’autorisation de rendre visite à son mari.
9. Le 29 décembre 2009, l’enquêteur en charge de l’affaire pénale dirigée à l’encontre du requérant rejeta ladite demande.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
10. Le requérant allègue que les conditions de son transport vers et depuis le tribunal ont constitué un traitement dégradant. Il invoque l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
11. Le Gouvernement n’a pas commenté sur ce point.
A. Sur la recevabilité
12. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
13. La Cour rappelle avoir déjà conclu dans de nombreuses affaires à la violation de l’article 3 de la Convention à raison des conditions de transport de détenus (voir, par exemple, Yaroslav Belousov c. Russie, nos 2653/13 et 60980/14, §§ 103‑111, 4 octobre 2016, M.S. c. Russie, no 8589/08, §§ 71‑77, 10 juillet 2014, et Svetlana Kazmina c. Russie, no 8609/04, §§ 76‑79, 2 décembre 2010).
14. Eu égard aux éléments dont elle dispose, la Cour constate que le Gouvernement n’a mis en avant aucun élément de fait ou de droit à même de la convaincre de parvenir à une conclusion différente en l’espèce.
15. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que le Gouvernement ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve lui incombant et qu’il n’a pas réfuté les allégations du requérant selon lesquelles celui-ci avait été transporté dans des conditions contraires à l’article 3 de la Convention.
16. Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
17. Le requérant se plaint d’une violation de son droit au respect de sa vie privée et familiale en raison de l’impossibilité d’obtenir des visites familiales durant sa détention provisoire. Il invoque l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
18. Le Gouvernement argue que le grief du requérant est manifestement mal fondé. À l’appui de sa thèse, le Gouvernement a soumis une attestation établie à une date non spécifiée par l’administration pénitentiaire dont il ressort que, pendant la détention du requérant au sein de la maison d’arrêt no IZ-77/6 de Moscou, il a bénéficié d’une visite courte de son épouse à la date du 10 septembre 2009.
Appréciation de la Cour
19. S’agissant tout d’abord du refus d’accorder une visite familiale opposée à l’épouse du requérant le 29 décembre 2009, la Cour estime qu’il s’agissait d’un acte instantané. La requête ayant été introduite le 31 janvier 2011, soit plus de six mois après le refus litigieux, la Cour considère que la partie du grief concernant le rejet de la demande de visite du 28 décembre 2009 est tardive et qu’elle doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
20. La Cour note ensuite que le requérant n’a pas détaillé son grief quant à l’absence de visites familiales après le 29 décembre 2009. Notamment, il n’a pas soumis d’éléments démontrant que son épouse ou lui-même avaient effectivement demandé de bénéficier d’une visite familiale et que ces demandes avaient été rejetées. Eu égard à ces circonstances, la Cour estime que le restant du grief tiré de l’article 8 de la Convention est manifestement mal fondée et qu’il doit être rejetée, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
21. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
22. Le requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 3 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;
 
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 mars 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Fatoş AracıBranko Lubarda
              Greffière adjointePrésident
 

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