AFFAIRE KARATEKİN c. TURQUIE
Karar Dilini Çevir:
AFFAIRE KARATEKİN c. TURQUIE

 
 
 
DEUXIÈME SECTION
 
 
 
 
 
 
 
 
AFFAIRE KARATEKİN c. TURQUIE
 
(Requête no 21807/08)
 
 
 
 
 
 
 
 
ARRÊT
 
 
 
 
 
 
 
STRASBOURG
 
15 janvier 2018
 
 
 
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Karatekin c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :
Julia Laffranque, présidente,
Valeriu Griţco,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 décembre 2018,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 21807/08) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Zülküf Karatekin (« le requérant »), a saisi la Cour le 5 mai 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me C. Aydın, avocat exerçant à Diyarbakır. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
3. Le 29 septembre 2017, le grief concernant l’atteinte alléguée au droit à la liberté d’expression du requérant a été communiqué au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Le requérant est né en 1965 et réside à Diyarbakır.
5. Il est ingénieur en génie civil. À l’époque des faits, il travaillait à la section de Diyarbakır de la Banque des provinces, un établissement public. Il était également membre du secrétariat de la plateforme pour la démocratie de Diyarbakır, composée de plusieurs associations, de syndicats et de chambres professionnelles, dont la chambre des ingénieurs en génie civil de Diyarbakır, qu’il présidait.
6. Le 17 février 1999, la plateforme pour la démocratie de Diyarbakır diffusa un communiqué de presse par télécopie depuis les locaux de la chambre des ingénieurs en génie civil de Diyarbakır. Ce communiqué de presse se lisait comme suit :
À la presse et à l’opinion publique
À la suite du transfert en Turquie et du placement en garde à vue d’Abdullah Öcalan, président général du PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan, une organisation illégale armée], les développements [survenus] en Turquie en général et dans les villes kurdes en particulier ont atteint des niveaux inquiétants.
Les 16 et 17 février, plus de 500 personnes parmi les dirigeants du HADEP [ancien parti politique pro-kurde] et des organisations non gouvernementales, les juristes, les défenseurs des droits de l’homme et la population civile ont été placées en garde à vue seulement à Diyarbakır.
Des pratiques similaires sont constatées et des gardes à vue se poursuivent dans toutes les villes kurdes. Nous craignons profondément l’amplification de ces pratiques contraires aux normes universelles des droits de l’homme et la survenance de violations du droit à la vie des défenseurs des droits de l’homme, des dirigeants des partis politiques et des organisations non gouvernementales et de la population civile.
Nous rappelons au gouvernement [la nécessité de] respecter les traités internationaux des droits de l’homme et ses engagements découlant des normes universelles des droits de l’homme.
Le 56e gouvernement doit :
1. respecter (...) les droits à la vie, à ne pas être soumis à la torture et à un procès équitable d’Abdullah Öcalan, [reconnus] par la Convention européenne des droits de l’homme, compte tenu de la nature systématique de la torture et des traitements inhumains [utilisés] comme méthode d’interrogatoire en Turquie et des inquiétudes nées à la suite de la publication des premières images d’Öcalan ;
2. renoncer aux pratiques contraires aux normes universelles des droits de l’homme envers les dirigeants et membres des partis politiques et des organisations non gouvernementales, les défenseurs des droits de l’homme et la population civile.
La situation vécue aujourd’hui, le lourd bilan des [personnes] qui ont perdu la vie dans des conflits [armés], les meurtres dont les auteurs sont inconnus, la pratique d’incendier les villages, les disparitions en garde à vue et les graves atteintes [portées] (...) dans d’autres domaines de la vie doivent être considérés comme les conséquences de l’approche [adoptée à l’égard] du problème kurde et des méthodes militaires [adoptées en réponse à celui-ci].
Nous invitons le Gouvernement à renoncer aux pratiques et aux politiques contraires aux normes universelles des droits de l’homme qui ne contribueraient pas à la paix interne, et les institutions nationales et internationales des droits de l’homme et l’opinion publique démocratique à [faire preuve de] sensibilité (...) face aux faits [constatés].
La plateforme pour la démocratie de Diyarbakır.
7. Une enquête disciplinaire fut diligentée à l’encontre du requérant au sein de l’administration qui l’employait en raison de ce communiqué de presse.
8. Dans son rapport d’enquête daté du 6 août 1999, un inspecteur de l’administration qui employait le requérant estima que les opinions exprimées dans le communiqué de presse soutenaient Abdullah Öcalan, leader du PKK, dénigraient le 56e gouvernement et les forces de sécurité, avaient un but idéologique et étaient de nature à provoquer la population de la région et non à l’apaiser et que le communiqué en question n’était donc pas conforme aux lois. Considérant que le requérant avait commis l’infraction d’imprimer, de reproduire et de distribuer un communiqué ayant un but politique ou idéologique, dont la sanction était la révocation de la fonction publique, il proposa toutefois d’infliger à l’intéressé une sanction plus légère, à savoir le gel de l’avancement de grade, compte tenu des appréciations professionnelles positives que celui-ci avait reçues pendant les six dernières années.
9. Le 29 février 2000, le conseil disciplinaire de la Banque des provinces, estimant que, eu égard au rapport d’enquête susmentionné, il était établi que le requérant avait commis l’infraction reprochée, infligea à celui-ci la sanction de révocation de la fonction publique en application de l’article 3/E b) du règlement disciplinaire de la Banque des provinces (paragraphe 18 ci-dessous).
10. Le 3 avril 2000, le requérant introduisit un recours en annulation de cette décision.
11. Le 19 décembre 2000, le tribunal administratif de Zonguldak (« le tribunal administratif ») annula l’acte de révocation. Il considéra qu’il était opportun de sanctionner le requérant en application de la disposition disciplinaire invoquée étant donné qu’il était établi, compte tenu du contenu du dossier, que l’intéressé avait commis l’infraction reprochée. Il estima cependant qu’avant d’infliger au requérant la sanction prévue pour cette infraction, il fallait rechercher si l’intéressé pouvait recevoir une sanction plus légère, eu égard à ses travaux passés et aux appréciations qu’il avait précédemment reçues.
12. Le 27 septembre 2001, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation formé par l’administration, infirma le jugement du tribunal administratif. Il considéra que la sanction de révocation infligée au requérant était conforme au droit au motif que l’administration disposait d’un pouvoir d’appréciation quant à l’infliction d’une sanction plus légère que celle prévue pour une infraction.
13. Le 13 mars 2002, le tribunal administratif de Zonguldak se conforma à l’arrêt du Conseil d’État et rejeta le recours du requérant au motif que l’acte de sanction adopté par l’administration était conforme au droit compte tenu de la nature des faits reprochés au requérant.
14. Le 5 juin 2002, le requérant forma un pourvoi en cassation contre le jugement du tribunal administratif. Il y mentionna notamment la jurisprudence de la Cour relative à la liberté d’expression.
15. Le 21 décembre 2004, le Conseil d’État rejeta le pourvoi du requérant au motif que le jugement attaqué et sa motivation étaient conformes au droit et à la procédure et qu’il n’existait pas de motif de cassation en l’espèce.
16. Le 24 février 2005, le requérant introduisit un recours en rectification d’arrêt contre cet arrêt. Il invoqua la liberté d’expression telle qu’interprétée par la Cour dans sa jurisprudence.
17. Le 28 septembre 2007, le Conseil d’État rejeta le recours du requérant en estimant que l’arrêt du 21 décembre 2004 était conforme à la loi et à la procédure et qu’il n’y avait pas en l’espèce de motif de nature à justifier sa rectification. Cet arrêt fut communiqué à l’avocat du requérant le 13 novembre 2007.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
18. L’article 3 du règlement disciplinaire de la Banque des provinces, publié au Journal officiel le 1er février 1983, intitulé « Les types de sanctions disciplinaires et les actes et situations appelant une sanction », se lit comme suit :
« Les sanctions disciplinaires et les actes et situations appelant chaque sanction sont les suivants :
(...)
E. La révocation :
il s’agit du renvoi de la fonction publique sans possibilité d’y revenir. Les actes et situations appelant la sanction de révocation de la fonction publique sont les suivants :
(...)
b) imprimer, reproduire ou distribuer une publication interdite ou une affiche, pancarte ou banderole, etc. ayant un but politique ou idéologique ou les apposer ou les exposer quelque part, à la banque ou dans d’autres établissements publics
(...) ».
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION
19. Le requérant allègue que sa révocation de la fonction publique pour avoir participé à la diffusion d’un communiqué de presse par une organisation non gouvernementale dont il faisait partie constitue une atteinte à ses droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association. Il invoque les articles 10 et 11 de la Convention à cet égard.
20. Maîtresse de la qualification juridique des faits, la Cour estime qu’il convient d’examiner le grief du requérant sous le seul angle de l’article 10 de la Convention.
21. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
22. Le requérant allègue que l’expression « ayant un but politique ou idéologique » contenue dans l’article 3/E b) du règlement disciplinaire invoqué pour le sanctionner n’était pas assez claire et prévisible et que l’ingérence dans son droit à la liberté d’expression n’était donc pas prévue par la loi. Il soutient ensuite que l’ingérence litigieuse ne poursuivait aucun but légitime et n’était pas nécessaire dans une société démocratique. Il estime à cet égard que le communiqué de presse incriminé ne faisait que constater des faits exacts, qu’il appelait les autorités à respecter les droits des citoyens et qu’il ne contenait aucun passage de nature à constituer une apologie de la violence ou un appel à la violence.
23. Le Gouvernement estime qu’il n’y a pas eu ingérence dans le droit à la liberté d’expression du requérant car l’intéressé aurait accédé à la fonction publique en acceptant les devoirs et responsabilités liés à ce statut. Dans l’hypothèse où la Cour conclurait à l’existence d’une telle ingérence, il indique que les dispositions constitutionnelles et légales relatives aux fonctionnaires de l’État, les dispositions du règlement sur la chambre des ingénieurs en génie civil et en particulier l’article 3/E b) du règlement disciplinaire de la Banque des provinces constituaient la base légale de ladite ingérence. Il argue ensuite que cette ingérence poursuivait les buts légitimes de la protection de la sécurité nationale, de la défense de l’ordre et de la prévention du crime. Il soutient enfin que l’ingérence litigieuse était nécessaire dans une société démocratique dans la mesure où le requérant aurait manqué à son obligation de loyauté envers l’État en signant un communiqué de presse qui aurait protesté contre l’arrestation du leader du PKK et aurait discrédité le combat des autorités contre le terrorisme en formulant de fausses accusations contre elles.
24. La Cour rappelle que la protection de l’article 10 de la Convention s’étend à la sphère professionnelle en général et aux fonctionnaires en particulier (Baka c. Hongrie [GC], no 20261/12, § 140, CEDH 2016) et renvoie aux principes découlant de sa jurisprudence en matière de liberté d’expression, lesquels sont résumés notamment dans l’arrêt Baka précité (§§ 158-161) et Kula c. Turquie (no 20233/06, §§ 45 et 46, 19 juin 2018).
25. Elle note qu’en l’espèce le requérant, fonctionnaire de l’État au sein de la Banque des provinces, a été révoqué de la fonction publique en raison de la diffusion d’un communiqué de presse par une organisation non gouvernementale dont il faisait partie, en application de l’article 3/E b) du règlement disciplinaire de la Banque de provinces, qui sanctionnait l’infraction d’imprimer, de reproduire et de distribuer un communiqué ayant un but politique ou idéologique. Elle note à cet égard que, selon le rapport rendu à l’issue de l’enquête disciplinaire diligentée à l’encontre de l’intéressé par l’administration qui l’employait, les opinions exprimées dans le communiqué de presse en question soutenaient le leader du PKK, dénigraient le gouvernement et les forces de sécurité, avaient un but idéologique et étaient de nature à provoquer la population de la région, et que le communiqué en cause n’était donc pas conforme aux lois (paragraphe 8 ci-dessus).
26. La Cour considère que la révocation du requérant en raison de ce communiqué de presse constitue une ingérence dans l’exercice par l’intéressé de son droit à la liberté d’expression. Elle relève ensuite que cette ingérence avait une base légale, à savoir l’article 3/E b) du règlement disciplinaire de la Banque des provinces. Tout en ayant des doutes quant à la prévisibilité des termes employés dans cette disposition, elle juge qu’il ne s’impose pas de trancher cette question, eu égard à sa conclusion présentée ci-après quant à la nécessité de l’ingérence (paragraphe 29 ci-dessous). Elle peut admettre en outre que ladite ingérence poursuivait les buts légitimes de la protection de la sécurité nationale, de la défense de l’ordre et de la prévention du crime.
27. Quant à la nécessité de l’ingérence, la Cour rappelle que, en l’espèce, il appartenait aux juridictions nationales de vérifier si les motifs invoqués par l’administration pour justifier la révocation du requérant apparaissaient comme « pertinents et suffisants » dans les circonstances de l’affaire. Elle estime donc que, pour apprécier si la nécessité de la sanction litigieuse a été établie de manière convaincante dans la présente affaire, elle doit essentiellement prêter attention à la motivation retenue par le juge national lorsqu’il a examiné le recours en annulation introduit par l’intéressé contre la décision de sa révocation (Kula, précité, § 49).
28. Examinant les décisions rendues en l’espèce par les juridictions internes, la Cour constate qu’il est impossible de déterminer à partir de ces décisions si la révocation du requérant était nécessaire eu égard aux buts légitimes poursuivis par les autorités. En effet, les décisions des tribunaux administratifs n’apportent aucun élément permettant de penser que les juges ont pris soin d’examiner la nécessité de cette sanction dans les circonstances de l’espèce au regard du droit à la liberté d’expression du requérant, qui était expressément invoqué par l’intéressé devant eux (paragraphes 14 et 16 ci-dessus). La Cour relève à cet égard que le tribunal administratif s’est contenté d’indiquer dans ses jugements qu’il était établi, compte tenu du contenu du dossier, que le requérant avait commis l’infraction reprochée (paragraphe 11 ci-dessus) et que l’acte de sanction adopté par l’administration était conforme au droit compte tenu de la nature des faits reprochés à l’intéressé (paragraphe 13 ci-dessus). Quant aux arrêts du Conseil d’État, la Cour note que la haute juridiction a considéré la sanction de révocation infligée au requérant conforme au droit (paragraphe 13 ci-dessus) et confirmé le jugement déboutant le requérant sans y apporter davantage de motivation (paragraphes 15 et 17 ci-dessus). La Cour constate donc que ces juridictions n’ont pas expliqué plus en détail les critères qu’elles ont pris en compte pour considérer l’infraction reprochée au requérant établie en l’espèce eu égard aux motifs invoqués par l’administration à l’appui de la décision de sanction.
29. Il ne ressort donc pas des décisions rendues par les juridictions nationales comment celles-ci ont, d’une part, mené à bien leur tâche consistant à mettre en balance le droit du requérant à la liberté d’expression et les buts légitimes invoqués pour la révocation de l’intéressé dans la présente affaire compte tenu des « devoirs et responsabilités » visés à l’article 10 § 2 de la Convention, qui revêtent une importance particulière lorsque la liberté d’expression des fonctionnaires se trouve en jeu (Baka, précité, § 162) et, d’autre part, rempli leur obligation d’empêcher tout abus de la part de l’administration. Dès lors, en l’absence de motifs pertinents et suffisants fournis par les juridictions nationales pour justifier l’ingérence litigieuse, la Cour estime que celles-ci ne peuvent être considérées comme ayant appliqué des règles conformes aux principes consacrés à l’article 10 de la Convention, et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents (Kula, précité, § 52).
30. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention en l’espèce.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
31. Le requérant réclame 55 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qui résulterait de la perte de son emploi et 15 000 EUR au titre du préjudice moral qu’il estime avoir subi. Il présente à cet égard une fiche de paie d’un ingénieur en génie civil occupant un poste similaire à son ancien poste dans la fonction publique. Il demande aussi 1 424 EUR pour les frais d’avocat qu’il dit avoir engagés et présente à cet égard la convention d’honoraires d’avocat qu’il a signée avec son avocat.
32. Le Gouvernement soutient que le montant demandé au titre du dommage matériel est non étayé et excessif. Il estime ensuite qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le dommage moral allégué et la violation de la Convention et que le montant demandé à cet égard est également non étayé et excessif et qu’il ne correspond pas aux montants accordés par la Cour dans des affaires similaires. S’agissant des frais d’avocat, le Gouvernement expose que le requérant n’a présenté aucun justificatif relatif au paiement qu’il dit avoir effectué à son avocat et que la somme demandée à ce titre est sans fondement et excessivement élevée.
33. Sans spéculer sur la somme exacte que peuvent représenter les salaires, les indemnités et les allocations que le requérant aurait touchés si la violation de la Convention n’avait pas eu lieu et si celui-ci n’avait pas été révoqué de la fonction publique, la Cour observe que l’intéressé a subi un préjudice matériel qu’il y a lieu de prendre en compte. Elle considère aussi que le requérant a dû éprouver un dommage moral que le seul constat de violation de la Convention dans le présent arrêt ne suffit pas à réparer. Statuant en équité et à la lumière de toutes les informations dont elle dispose, elle juge raisonnable de lui octroyer la somme globale de 10 000 EUR, tous chefs de dommage confondus, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt (voir, mutatis mutandis, Baka, précité, § 191, CEDH 2016, et Kayasu c. Turquie, nos 64119/00 et 76292/01, § 128, 13 novembre 2008). Quant à la demande relative aux frais et dépens, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, elle estime raisonnable la somme de 1 000 EUR pour les frais d’avocat.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
 
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention ;
 
3. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :
i. 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel et moral ;
ii. 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
 
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 janvier 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Hasan BakırcıJulia Laffranque
Greffier adjointPrésidente
 
 

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