AFFAIRE GRACIOVA c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
Karar Dilini Çevir:
AFFAIRE GRACIOVA c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

 
 
 
DEUXIÈME SECTION
 
 
 
 
 
 
 
 
AFFAIRE GRACIOVA c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
 
(Requête no 43404/08)
 
 
 
 
 
 
 
 
ARRÊT
 
 
 
 
 
 
 
STRASBOURG
 
15 janvier 2019
 
 
 
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Graciova c. République de Moldova,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :
Julia Laffranque, présidente,
Valeriu Griţco,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 décembre 2018,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 43404/08) dirigée contre la République de Moldova et dont une ressortissante de cet État, Mme Oxana Graciova (« la requérante »), a saisi la Cour le 3 septembre 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante a été représentée par Me A. Adascalita, avocat exerçant à Chişinău. Le gouvernement moldave (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. V. Grosu.
3. Le 10 janvier 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. La requérante est née en 1977 et réside à Chişinău.
5. Depuis 1979, elle vivait avec ses parents à l’adresse suivante : 33 rue Tighina, à Chişinău. Elle était officiellement enregistrée en tant qu’habitante de cet appartement et avait sa résidence à cette adresse.
6. En 2001, elle partit en Italie. Ses parents décédèrent en février 2004. L’appartement ne fut pas privatisé avant le décès de ses parents.
7. En 2005, la requérante découvrit que, en mars 2004, un agent de police, D., avait entamé une action en justice afin de faire constater le fait qu’elle avait perdu son droit d’habiter dans l’appartement susmentionné au motif qu’elle n’y aurait pas habité pendant une période excédant six mois.
8. Par un jugement en date du 28 avril 2004, le tribunal Centru de Chişinău fit droit à cette demande. Le tribunal constata également que D. avait le droit d’obtenir un logement et ordonna aux autorités locales de lui accorder le droit d’habiter dans l’appartement en question. Après que l’arrêt fut passé en force de chose jugée, D. entra en possession de l’appartement et des biens de la requérante. La requérante ne put plus accéder à l’appartement ni récupérer ses biens.
9. Le 5 décembre 2005, la requérante demanda la réouverture du procès et l’annulation du jugement du 26 mars 2004, adopté sans qu’elle n’ait été convoquée aux audiences. Le 21 mars 2006, la cour d’appel de Chişinău accueillit cette demande et ordonna le réexamen de l’affaire.
10. Le 29 juin 2007, le tribunal Centru de Chişinău fit droit à la demande déposée par D. et ordonna aux autorités locales de lui accorder le droit d’habiter dans l’appartement en question. Le 15 août 2007, la cour d’appel de Chişinău rejeta l’appel de la requérante. La copie de la décision judiciaire fut délivrée à celle-ci le 31 octobre 2007.
11. Le 22 novembre 2007, la requérante se pourvut en recours. Dans son recours, elle indiqua les données mentionnées sur sa carte nationale d’identité, y compris l’adresse de l’appartement litigieux comme étant sa résidence, mais elle indiqua également une autre adresse pour recevoir sa correspondance durant le procès. Elle argua qu’elle n’avait pas accès à l’appartement, occupé par D. depuis 2004. Elle déposa également la preuve du paiement du droit de timbre d’un montant de 45 lei moldaves (MDL) (2,70 euros (EUR)), équivalant à 50 % du montant payé par D. lors de l’introduction de son action contre elle.
12. Par une lettre du 22 novembre 2007, la Cour suprême de justice renvoya son recours à la requérante en l’informant que celui-ci ne pouvait pas être examiné car elle n’avait pas payé le montant total du droit de timbre, à savoir 95 MDL (5,70 EUR). Elle demanda à l’intéressée de payer des frais supplémentaires de 50 MDL (3 EUR) à ce titre mais ne fit aucune référence à une quelconque disposition légale et n’expliqua pas non plus la méthode de calcul employée. Cette lettre fut envoyée à l’adresse de l’appartement en litige et non à l’adresse indiquée par la requérante dans son recours pour recevoir sa correspondance. N’ayant pas accès audit appartement, la requérante ne reçut jamais cette lettre.
13. Le 14 janvier 2008, la requérante prit connaissance de cette situation, paya le montant réclamé par la Cour suprême de justice au titre du droit de timbre et réitéra son recours.
14. Par un arrêt définitif en date du 9 avril 2008, la Cour suprême déclara le recours de la requérante irrecevable au motif qu’il avait été interjeté en dehors du délai de deux mois prévu par la loi, à savoir avec quatorze jours de retard.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
15. Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de procédure civile en vigueur à l’époque des faits sont ainsi rédigées :
« Article 429. Les décisions susceptibles de recours
(1) Les décisions prononcées en appel par les cours d’appel peuvent faire l’objet d’un recours.
(...)
Article 430. Les personnes qui peuvent introduire un recours
Peuvent introduire un recours :
a) les parties et autres participants au procès ;
(...)
Article 431. La juridiction compétente pour examiner le recours
(1) La Cour suprême de justice est compétente pour examiner les recours déposés contre les décisions des instances d’appel.
(...)
Article 433. Motifs d’irrecevabilité du recours
La demande de recours est considérée irrecevable lorsque :
(...) b) le recours est interjeté en dehors du délai d’introduction prévu à l’article 434 ; (...)
Article 434. Délai d’introduction du recours
(1) Le recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la date du prononcé de la décision et, en cas de rédaction de celle-ci, à partir de la date de la notification écrite des parties concernant la signature de l’arrêt rédigé.
(2) Le délai de deux mois dans lequel le requérant doit introduire son recours sous peine de déchéance ne saurait être prorogé
Article 437. Le contenu de la demande de recours
(1) La demande de recours doit être dactylographiée et doit comprendre :
(...) b) le nom, (....) la qualité procédurale du requérant ou de la personne dont les intérêts sont représentés, leur adresse ; (...)
(2) la preuve du paiement du droit de timbre doit être jointe à la demande de recours ;
Article 438. Le renvoi du recours
(...) (2) Si la demande de recours ne correspond pas aux exigences de l’article 437, la juridiction, par une lettre signée par son président ou son vice-président, la renvoie dans un délai de 5 jours.
(3) Le renvoi de la demande de recours n’empêche pas le demandeur de la soumettre à nouveau après avoir satisfait aux conditions formelles requises et s’être conformé aux autres conditions légales régissant l’introduction du recours.
(...) »
16. Le passage pertinent en l’espèce de la loi no 1216-XII sur le droit de timbre du 3 décembre 1992 est ainsi libellé :
« Article 3. Le montant du droit de timbre pour former un recours constitue 50 % de la somme initiale payée lors de l’introduction de la demande en justice devant le tribunal de première instance. »
17. La décision explicative de l’Assemblée plénière de la Cour suprême de justice no 3 du 27 mars 2006 relative à l’examen des litiges par les juridictions de recours, dans son passage pertinent en l’espèce, est ainsi rédigée :
« Le renvoi illégal de la demande de recours ou le retard dans le renvoi du recours par les juridictions de recours n’entraîne pas la perte du délai d’introduction du recours, à condition que celui-ci ait été initialement interjeté dans le délai établi. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION
18. La requérante se plaint que la Cour suprême de justice ait déclaré son recours irrecevable pour tardiveté alors qu’elle l’aurait présenté dans le délai de deux mois prévu par la loi. Elle invoque l’article 6 § 1 de la Convention, libellé comme suit dans ses parties pertinentes en l’espèce :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A. Sur la recevabilité
19. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
20. La requérante soutient s’être prévalue d’un recours effectif devant la Cour suprême de justice mais que celle-ci l’a rejeté pour tardiveté. Elle ajoute que, lors de l’introduction de son recours, le 22 novembre 2006, elle s’était acquittée d’un droit de timbre correspondant à 50 % de la somme payée par D. lors de l’introduction de l’action. Elle fait référence à l’article 3 de la loi sur le droit de timbre, aux termes duquel le droit de timbre pour former un recours s’élève à 50 % du montant payé initialement lors de l’introduction de l’action en justice. Elle indique que, D. ayant payé 90 MDL, elle aurait dû s’acquitter de la moitié de cette somme, à savoir 45 MDL. Elle soutient également que la Cour suprême lui avait renvoyé sa demande de recours à l’adresse de l’immeuble en litige alors qu’elle n’avait plus accès à cet appartement et qu’elle avait justement indiqué une autre adresse pour recevoir sa correspondance durant le procès. Elle indique que, selon la décision explicative de l’Assemblée plénière de la Cour suprême de justice du 27 mars 2006 relative à l’examen des litiges par les juridictions de recours, le renvoi illégal de la demande de recours ou le retard dans le renvoi du recours par les juridictions de recours n’entraîne pas la perte du délai d’introduction du recours, à condition que celui-ci ait été initialement interjeté dans le délai imparti par la loi. Enfin, elle estime que la Cour suprême de justice aurait dû examiner son recours sur le fond et que le rejet de sa demande de recours pour tardiveté ne peut pas lui être reproché.
21. Le Gouvernement soutient que ce grief est manifestement mal fondé. Il argue que la requérante a indiqué dans son recours deux adresses en sous‑entendant que les deux étaient valides. Il estime que l’intéressée avait pu prendre connaissance de la lettre de la Cour suprême avant le mois de janvier 2008 et, par conséquent, qu’elle aurait pu à nouveau soumettre sa demande de recours après avoir payé le montant total du droit de timbre dans le délai de deux mois à compter du 31 octobre 2007, date à laquelle elle aurait pris connaissance de la décision de la cour d’appel de Chişinău. Le Gouvernement ne se prononce pas sur les arguments de la requérante quant aux dispositions de l’article 3 de la loi sur le droit de timbre ni sur celui concernant les dispositions de la décision explicative no 3 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême relative à l’examen des litiges par les juridictions de recours.
22. La Cour rappelle qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne (voir, parmi beaucoup d’autres, Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, 19 décembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VIII, p. 2955, § 31, et Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 290, § 33). Le rôle de la Cour se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de pareille interprétation. Cela est particulièrement vrai s’agissant de l’interprétation par les tribunaux des règles de nature procédurale telles que les délais régissant le dépôt des documents ou l’introduction de recours (Tejedor García c. Espagne, 16 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, § 31, p. 2796).
23. La Cour estime par ailleurs que la réglementation relative aux formalités et aux délais à respecter pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Les intéressés doivent pouvoir s’attendre à ce que ces règles soient appliquées. D’autre part, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’État, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation (Stone Court Shipping Company, S.A. c. Espagne, no 55524/00, § 34, 28 octobre 2003).
24. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, notamment, Zubac c. Croatie [GC], no 40160/12, § 78, 5 avril 2018, Edificaciones March Gallego S.A., précité, p. 290, § 34, et Rodríguez Valín c. Espagne, no 47792/99, § 22, 11 octobre 2001).
25. En l’occurrence, la Cour constate que la requérante a pris connaissance de la décision de la cour d’appel de Chişinău le 31 octobre 2007. Elle constate ensuite que, le 22 novembre 2007, l’intéressée s’est acquittée d’un droit de timbre correspondant à 50 % de la somme payée par D. lors de l’introduction de l’action, conformément à l’article 3 de la loi sur le droit de timbre. Elle observe que la Cour suprême a refusé d’examiner le recours de la requérante au motif qu’elle n’avait pas payé le montant total du droit de timbre et qu’elle lui a demandé de payer 50 MDL de plus.
26. Elle relève à cet égard que, par sa lettre du 22 novembre 2007, la Cour suprême a informé la requérante qu’elle n’avait pas payé le montant total du droit de timbre dont elle aurait dû s’acquitter mais que la haute juridiction n’a pas expliqué la méthode de calcul employée pour parvenir à ce montant et n’a fait aucune référence à une quelconque disposition de la loi sur le droit de timbre. Elle note que la Cour suprême a également informé la requérante qu’elle pouvait à nouveau soumettre sa demande de recours après avoir satisfait aux conditions formelles requises régissant l’introduction du recours. Elle observe enfin que la Cour suprême a ajouté que le recours devait être introduit dans un délai de deux mois à compter de la date du prononcé de la décision et, dans le cas où celle-ci devait être rédigée, à partir de la date de la notification écrite des parties concernant la signature de la décision rédigée, sous peine de déchéance (paragraphe 15 ci‑dessus).
27. La Cour note que la lettre de la Cour suprême n’a pas été envoyée à l’adresse indiquée par la requérante pour recevoir sa correspondance durant le procès mais à l’adresse de l’immeuble litigieux, auquel l’intéressée n’avait plus accès (paragraphe 11 ci-dessus). Elle observe que, dès que la requérante a pris connaissance de la lettre de la Cour suprême, le 14 janvier 2008, elle a accompli les actions nécessaires en vue de l’examen de son recours. Elle a payé le montant du droit de timbre réclamé par la haute juridiction et a réitéré son recours afin qu’il soit examiné par celle-ci.
28. La Cour constate ensuite que le Gouvernement ne se prononce pas sur l’argument de la requérante relatif au montant du droit de timbre payé le 22 novembre 2007 ni sur les dispositions de la décision explicative no 3 de l’Assemblée plénière de la Cour suprême relative à l’examen des litiges par les juridictions de recours (paragraphe 17 ci-dessus).
29. Elle considère que la requérante a été empêchée de réitérer sa demande de recours avant le mois de janvier 2008 (paragraphe 20 ci-dessus) en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Par conséquent, elle note que l’on ne peut reprocher à la requérante d’avoir agi avec négligence ni d’avoir omis de payer le montant du droit de timbre prévu par la loi, à savoir 50 % du montant initial payé par le demandeur lors de l’introduction de l’action civile.
30. À la lumière de ce qui précède, la Cour considère que l’interprétation particulièrement rigoureuse faite par la Cour suprême de justice des règles de procédure et des circonstances de l’espèce a privé la requérante du droit d’accès à un tribunal en vue de faire examiner son recours (voir, mutatis mutandis, Stone Court Shipping Company, S.A., précité, § 42).
31. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES
32. Invoquant l’article 6 de la Convention la requérante, se plaint de l’insuffisance de la motivation de la décision rendue par la Cour suprême de justice le 9 avril 2008.
33. Eu égard au constat relatif à l’article 6 § 1 de la Convention (paragraphes 29-31 ci-dessus), la Cour estime que ce grief doit être considéré recevable mais qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de cette disposition.
34. Enfin, la requérante s’estime victime d’une méconnaissance de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
35. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et qu’il doit donc aussi être déclaré recevable. Toutefois, eu égard à ses conclusions sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention, elle ne saurait spéculer sur ce qu’aurait été l’issue de l’action si les exigences du droit d’accès à un tribunal avaient été respectées devant les juridictions internes.
36. Dès lors, elle estime qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le bien-fondé du grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (Brezeanu c. Roumanie, no 10097/05, §§ 27 et 28, 21 juillet 2009).
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
37. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
38. La requérante réclame 5 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison du refus de la Cour suprême d’examiner son recours sur le fond.
39. Le Gouvernement n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation alléguée et le montant du préjudice moral réclamé et considère qu’il s’agit d’une réclamation dépourvue de bien-fondé.
40. La Cour, statuant en équité, considère qu’il y a lieu d’octroyer à la requérante 1 500 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
41. La requérante demande également 1 550 EUR pour les frais et dépens qu’elle dit avoir engagés devant la Cour. Elle fournit à l’appui de sa demande un contrat conclu avec son avocat devant la Cour, aux termes duquel elle s’était engagée à lui verser 1 000 EUR pour la rédaction et l’envoi de la requête. Elle fournit ensuite un deuxième contrat conclu par son avocat avec un autre avocat aux termes duquel celui-ci s’engageait, contre le versement d’une somme de 500 EUR, à conseiller l’avocat de la requérante sur la jurisprudence internationale en matière des droits de l’homme et à rédiger les commentaires sur les observations du Gouvernement et sur la demande de satisfaction équitable de la requérante, dont les intérêts étaient représentés par son avocat. La requérante soumet également une facture et une quittance justifiant du paiement de 500 EUR selon le contrat susmentionné.
42. Le Gouvernement conteste la somme réclamée. Il soutient que les frais de représentation ne sont pas justifiés.
43. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR au titre des frais et dépens pour la procédure devant elle et l’accorde à la requérante.
C. Intérêts moratoires
44. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
 
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention quant au droit de la requérante d’accès à un tribunal ;
 
3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention quant à l’insuffisance de la motivation de la décision rendue par la Cour suprême de justice ;
 
4. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
 
5. Dit
a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :
i. 1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,
ii. 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
 
6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 janvier 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Hasan BakırcıJulia Laffranque
Greffier adjointPrésidente

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