AFFAIRE BITTOUN c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
Karar Dilini Çevir:
AFFAIRE BITTOUN c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

 
 
 
DEUXIÈME SECTION
 
 
 
 
 
 
 
AFFAIRE BITTOUN c. RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA
 
(Requête no 51051/15)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
ARRÊT
 
 
STRASBOURG
 
5 mars 2019
 
 
 
 
 
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
 

En l’affaire Bittoun c. République de Moldova,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en un comité composé de :
Ivana Jelić, présidente,
Valeriu Griţco,
Darian Pavli, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 février 2019,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 51051/15) dirigée contre la République de Moldova et dont un ressortissant français, M. David Bittoun (« le requérant »), a saisi la Cour le 9 octobre 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me I. Dodon, avocat à Chișinău. Le gouvernement moldave (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
3. Le 18 décembre 2017, la requête a été communiquée au Gouvernement. Informé de son droit de prendre part à la procédure (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du règlement de la Cour), le gouvernement français a informé la Cour qu’il n’entendait pas intervenir dans l’affaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4. Le requérant est né en 1969 et résidait au moment des faits à Chișinău.
5. De l’union libre du requérant avec E.A. naquit une enfant, S., le 14 août 2013. Les parents de l’enfant n’ayant pas entrepris des démarches pour reconnaître la paternité du requérant, seul le nom de la mère figurait dans l’acte de naissance de S. La mère et l’enfant habitaient chez le requérant.
6. En avril 2014, E.A. quitta le domicile du requérant avec l’enfant, alors âgée de huit mois, et alla vivre ailleurs à Chișinău.
7. Les 1er et 11 juillet 2014, le requérant informa la Direction municipale de la protection des droits de l’enfant de Chișinău (« DPDE ») que E.A. lui refusait tout contact avec S., et demanda à ce qu’un calendrier des visites fût établi.
8. Par une lettre du 18 juillet 2014, la DPDE informa l’intéressé qu’elle ne pouvait accéder à ses demandes tant qu’il ne disposait pas d’une décision de justice définitive établissant sa paternité.
9. Dans l’intervalle, le 26 juin 2014, le requérant avait engagé une action en reconnaissance de paternité. Le 2 septembre 2014, E.A. déposa une demande reconventionnelle aux fins, entre autres, d’obtenir le paiement d’une pension alimentaire pour l’entretien de l’enfant. Dans sa demande, elle déclarait acquiescer à l’action du requérant.
10. Par un jugement du 20 décembre 2014, le tribunal de Centru (Chișinău) établit la paternité du requérant envers S. et ordonna au premier de payer à E.A. une pension alimentaire. Sur appel des deux parties, ce jugement fut confirmé par la cour d’appel de Chișinău, le 2 juin 2015.
11. Entre-temps, le 20 janvier 2015, le requérant avait demandé de nouveau à la DPDE d’établir un calendrier des visites.
12. Par une décision du 17 février 2015, la DPDE avait accédé à cette demande et avait accordé à l’intéressé un droit de visite trois fois par semaine, en présence de la mère. Elle mentionnait avoir examiné les éléments du dossier, discuté avec les parents et pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle précisait enfin que sa décision avait un caractère de recommandation et que, en cas de non-respect de celle-ci, les parents pouvaient saisir un tribunal.
13. Le 20 février 2015, le requérant avait porté plainte auprès de la DPDE dénonçant le non-respect par E.A. de son droit de visite et demandant la présence d’un assistant social lors de la prochaine visite programmée selon le calendrier établi. Par une lettre du 5 mars 2015, la DPDE lui avait recommandé de saisir les « forces de l’ordre » (« organele de ordine publică »).
14. Le 20 février 2015, le requérant avait également déposé une plainte similaire auprès du parquet demandant, en outre, à ce qu’il fût constaté la commission par E.A. d’une contravention réprimée par l’article 64 du code contraventionnel (paragraphe 21 ci-dessous). Par une lettre du 4 avril 2015, le commissariat de police de Centru (Chișinău) l’avait informé que ce type de litige entre parents devait être tranché par la DPDE dont la décision pouvait être contestée devant les tribunaux.
15. Le 22 avril 2015, l’intéressé avait déposé une nouvelle plainte auprès du parquet. Dans une lettre du 22 mai 2015, le parquet avait indiqué que, en cas de non-respect du calendrier des visites établi par les services sociaux, il appartenait au requérant de saisir un tribunal, et que, de surcroît, le jugement du 20 décembre 2014 du tribunal de Centru établissant la paternité (paragraphe 10 ci-dessus) n’était pas encore définitif.
16. Le 28 avril 2015, le requérant avait engagé une action civile contre E.A. visant, entre autres, à obliger celle-ci à ne pas entraver l’exercice de son droit de visite établi par la DTPE.
17. Par un jugement du 19 juillet 2016, le tribunal de Centru (Chișinău) débouta le requérant de son action.
18. Le 7 février 2017, la cour d’appel de Chișinău rejeta comme mal fondé l’appel exercé par l’intéressé et confirma le jugement du 19 juillet 2016. Elle nota, entre autres, qu’il n’avait pas été établi avec certitude que E.A. avait empêché le requérant d’exercer son droit de visite. À ce titre, elle relevait que les plaintes déposées par le requérant auprès du parquet n’avaient pas débouché sur un constat de violation de son droit de visite, ni sur une éventuelle sanction infligée à E.A.
19. Le 16 août 2017, la Cour suprême de justice confirma, sur recours du requérant, les décisions des instances inférieures.
20. Dans l’intervalle, le requérant avait en octobre 2015 quitté la Moldova pour des raisons professionnelles. Le 19 novembre 2015, la DPDE avait fixé, à la demande de l’intéressé, un nouveau calendrier selon lequel celui-ci pouvait rendre visite à sa fille pendant trois périodes de quinze jours en mars, juillet et novembre.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
21. Les dispositions pertinentes en l’espèce du code contraventionnel se lisaient comme suit :
« Article 64. L’entrave à l’exercice du droit de communiquer avec l’enfant et de l’éduquer
Le fait d’entraver d’une manière non fondée un parent (les deux parents) de communiquer avec l’enfant ou de participer à son éducation (...) est puni par une amende de 10 à 20 unités conventionnelles. »
À l’époque des faits, une unité conventionnelle était égale à 20 lei moldaves (soit environ 1 euro).
22. Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de procédure civile se lisent comme suit :
« Article 256. L’exécution immédiate de la décision [du tribunal de première instance]
1. Il convient d’exécuter immédiatement l’ordonnance ou la décision de justice qui oblige le défendeur à payer :
a) la pension alimentaire ;
(...) »
23. Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de la famille se lisent comme suit :
« Article 48. La reconnaissance judiciaire de paternité
Lorsque l’enfant est né de parents non mariés entre eux et en l’absence de déclaration commune des parents (...), la paternité est établie par le tribunal (...).
(...)
Article 64. L’exercice des droits parentaux lorsque les parents habitent séparément
(...)
2. Les parents ont le droit de conclure un accord sur l’exercice des droits parentaux par le parent qui vit séparé de l’enfant. Les litiges apparus sont tranchés par l’autorité tutélaire dont la décision peut être contestée devant un tribunal (...). »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
24. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant allègue que les autorités moldaves n’ont pas pris de mesures propres à lui permettre de préserver le lien avec sa fille. Cette disposition est ainsi libellée :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Sur la recevabilité
25. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il affirme que le requérant n’a pas exercé, conformément à l’article 64 § 2 du code de la famille (paragraphe 23 ci-dessus), une action devant les tribunaux civils pour dénoncer les agissements allégués de la mère de l’enfant.
26. Le requérant conteste cette thèse.
27. La Cour remarque que, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, le requérant a intenté une action civile à l’encontre de E.A. afin de l’obliger à respecter le calendrier fixé par les services sociaux (paragraphe 16 ci-dessus). Elle souligne en outre que, dans le cadre de cette procédure, le requérant a exercé tous les recours ordinaires qui lui étaient ouverts et que les tribunaux nationaux, après avoir examiné le fond de l’affaire, ont rejeté l’action (paragraphes 17-19 ci-dessus). Partant, la Cour rejette l’exception soulevée par le Gouvernement.
28. Constatant au demeurant que le grief tiré de l’article 8 de la Convention n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
29. Le requérant affirme que le lien familial entre sa fille et lui a été rompu lorsque E.A. a quitté le domicile familial avec l’enfant. Il indique que, au moment où les services sociaux ont fixé pour la première fois un calendrier des visites, soit le 17 février 2015, sa paternité envers l’enfant ne prêtait pas à controverse. Il reproche aux autorités étatiques de ne pas avoir mis en place des mesures qui lui auraient permis d’exercer pleinement son droit de visite et de maintenir le lien avec sa fille. À ce titre, il déplore le fait que l’action des services sociaux se soit limitée à fixer un calendrier des visites n’ayant pas de force contraignante. Il se plaint également d’une inertie du parquet et de la police, saisis de ses plaintes dénonçant un non‑respect par la mère de son droit de visite. Il allègue enfin que les tribunaux civils ayant connu de l’affaire n’ont pas pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.
30. Le Gouvernement soutient que les autorités étatiques n’étaient pas tenues d’intervenir pour garantir le respect du droit de visite du requérant pendant la période où celui-ci ne détenait pas une décision définitive et exécutoire établissant sa paternité, ce qui correspondrait, selon lui, à la période précédant le prononcé de la décision de la cour d’appel de Chișinău du 2 juin 2015 (paragraphe 10 ci-dessus). Il relève en outre que le parquet n’a pas constaté la commission d’une contravention par la mère de l’enfant, que le requérant n’a pas contesté devant le juge administratif la décision du parquet, et que, après mai 2015, le requérant n’a pas déposé d’autres plaintes auprès du parquet. Il estime que, compte tenu des circonstances de l’affaire et des dispositions légales applicables en l’espèce, les autorités nationales ont entrepris tous ce qu’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour préserver le lien entre le requérant et sa fille.
31. La Cour renvoie aux principes applicables en la matière tels qu’ils se trouvent énoncés, par exemple, dans l’arrêt Giorgioni c. Italie (no 43299/12, §§ 62-64, 15 septembre 2016). Il y est notamment rappelé que les obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou familiale peuvent impliquer, pour l’État, l’adoption de mesures visant au respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux, dont la mise en place d’un arsenal juridique adéquat et suffisant pour assurer les droits légitimes des intéressés, ainsi que le respect des décisions judiciaires, ou des mesures spécifiques appropriées. La tâche de la Cour en l’occurrence consiste à savoir si les autorités nationales ont pris, pour faciliter les visites, toutes les mesures nécessaires que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elles pour maintenir les liens familiaux et à examiner la manière dont les autorités sont intervenues pour faciliter l’exercice du droit de visite.
32. Se tournant vers les faits de la présente cause, elle note d’emblée qu’il n’est pas contesté en l’espèce que le lien entre le requérant et sa fille relève de la vie familiale au sens de l’article 8 de la Convention.
33. La Cour remarque en revanche que le point de savoir à partir de quel moment les autorités étatiques devaient s’acquitter de leurs obligations positives pour garantir le droit de visite du requérant prête à controverse entre les parties.
34. Elle rappelle qu’elle n’a point pour tâche de se substituer aux autorités étatiques compétentes pour réglementer les questions d’établissement de paternité ou de garde et de visites, mais d’apprécier sous l’angle de la Convention les décisions qu’elles ont rendues dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation (Hokkanen c. Finlande, 23 septembre 1994, § 55, série A no 299‑A, Mikulić c. Croatie, no 53176/99, § 59, CEDH 2002‑I, et Tocarenco c. République de Moldova, no 769/13, § 57, 4 novembre 2014). Ce faisant, elle doit avoir égard au principe essentiel selon lequel, chaque fois que la situation d’un enfant est en cause, l’intérêt supérieur de celui-ci doit primer (X c. Lettonie [GC], no 27853/09, § 96, CEDH 2013, et Mennesson c. France, no 65192/11, § 81, CEDH 2014 (extraits)). Selon les principes qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour, là où l’existence d’un lien familial avec un enfant se trouve établie, l’État doit agir de manière à permettre à ce lien de se développer et il faut accorder une protection juridique rendant possible, dès la naissance ou dès que réalisable par la suite, l’intégration de l’enfant dans sa famille (Keegan c. Irlande, 26 mai 1994, § 50, série A no 290, et Kroon et autres c. Pays‑Bas, 27 octobre 1994, § 32, série A no 297‑C).
35. Pour en revenir aux circonstances de l’espèce, la Cour note que, au moment où les services sociaux ont accordé pour la première fois un droit de visite le 17 février 2015, le jugement du tribunal de Centru du 20 décembre 2014 établissant la paternité du requérant envers S. n’était pas encore définitif. Cependant, elle remarque que la question de l’existence d’un lien familial entre le requérant et S. ne prêtait pas à controverse. En effet, elle note, d’une part, qu’il n’était pas contesté que, les huit premiers mois de sa vie, l’enfant avait vécu au domicile du requérant. D’autre part, elle relève que la mère de l’enfant, E.A., avait acquiescé à l’action du requérant en reconnaissance de paternité. Elle observe également que les services sociaux, après avoir, entre autres, rencontré les deux parents, n’avaient pas estimé nécessaire de mettre en cause l’existence du lien familial entre le requérant et l’enfant ; mais que, bien au contraire, ils ont décidé d’octroyer un droit de visite. À titre surabondant, elle remarque que le jugement du tribunal de Centru du 20 décembre 2014 devait être exécuté immédiatement, en application de l’article 256 du code de procédure civile (paragraphe 22 ci-dessus), dans la mesure où il ordonnait au requérant de payer une pension alimentaire. La Cour juge dès lors que, à partir du moment où les services sociaux ont fixé le premier calendrier des visites, le requérant devait disposer d’un arsenal juridique adéquat et suffisant pour assurer le respect de son droit de visite.
36. Or, elle remarque que, face aux allégations de l’intéressé de non‑respect par E.A. de son droit de visite, l’action des services sociaux s’est limitée à conseiller à celui-ci de faire appel à d’autres autorités étatiques (paragraphe 13 ci-dessus).
37. Elle note ensuite que la police et le parquet ont décliné leur compétence pour examiner les plaintes du requérant et qu’ils ont invité ce dernier à saisir les tribunaux civils (paragraphes 14-15 ci-dessus). À ce sujet, elle ne saurait accueillir l’argument du Gouvernement tiré du fait que le requérant n’a pas contesté la décision du parquet devant un juge administratif. En effet, elle observe que le Gouvernement n’indique pas, textes de loi et jurisprudence à l’appui, quel était en l’espèce le pouvoir de contrôle du juge administratif, ni quelle action ce dernier pouvait éventuellement ordonner au parquet. Elle n’est donc pas convaincue que le recours en question était effectif pour contester l’inaction du parquet. Enfin et au vu de ce qui précède, la Cour ne saurait faire grief au requérant de ne pas avoir déposé d’autres plaintes pénales.
38. Quant à l’action civile exercée par le requérant, la Cour note que, pour appuyer leur constat selon lequel l’intéressé n’avait pas prouvé le non‑respect par E.A. de son droit de visite octroyé par les services sociaux, les tribunaux civils ont accordé un poids important au fait que le parquet n’avait pas constaté la commission par E.A. d’actes contraires à la loi. La Cour est surprise par ce dernier argument dans la mesure où le parquet avait décliné sa compétence pour connaître de la plainte du requérant. Dans ces conditions, elle estime que la tâche de ce dernier consistant à prouver ses allégations de non-respect de son droit de visite s’est révélée particulièrement ardue.
39. En outre, la Cour constate que le jugement sur le fond de la première instance (paragraphe 17 ci-dessus) a été rendu plus d’un an après l’introduction de l’action par le requérant, soit au moment où le calendrier initial des visites établi par les services sociaux n’était plus d’actualité, car l’intéressé ne résidait plus en Moldova. À ce sujet, elle réaffirme que dans les affaires concernant la relation entre un parent et son enfant, il faut témoigner d’une diligence exceptionnelle, car le passage du temps risque de trancher en pratique la question posée (voir, par exemple, Ribić c. Croatie, no 27148/12, § 92, 2 avril 2015).
40. Au vu de tout ce qui précède, la Cour juge que l’arsenal juridique moldave, tel qu’interprété et appliqué par les autorités internes en l’espèce, n’a pas permis d’accorder aux intérêts du requérant la protection voulue par l’article 8 de la Convention.
Partant, il y a eu violation de cette disposition.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
41. Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant se plaint également d’une absence de recours interne effectif pour faire valoir son droit au respect de sa vie familiale, garanti par l’article 8 de la Convention.
42. Le Gouvernement combat cette thèse.
43. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et qu’il doit donc aussi être déclaré recevable.
44. Eu égard au constat relatif à l’article 8 de la Convention, la Cour estime qu’il n’est pas nécessaire d’examiner ces questions séparément sous l’angle de l’article 13 de la Convention (voir, par exemple, Hokkanen, précité, § 74, et Tocarenco, précité, § 72).
III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
45. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
46. Le requérant réclame 18 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il estime avoir subi.
47. Il demande en outre 2 240 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Il produit une copie du contrat conclu avec le représentant qui l’a défendu devant la Cour ainsi qu’un relevé détaillé des heures de travail prestées par ce dernier pour la présente affaire (28 heures au taux horaire de 80 EUR).
48. Le Gouvernement conteste ces sommes.
49. Statuant en équité, la Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 7 500 EUR au titre du préjudice moral.
50. Pour ce qui est de la demande présentée au titre des frais et dépens et compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 2 000 EUR pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
 
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
 
3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 13 de la Convention ;
 
4. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement :
i. 7 500 EUR (sept mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,
ii. 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
 
5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 mars 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Hasan BakırcıIvana Jelić
Greffier adjointPrésidente
 

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