A-6859/2015 - Abteilung I - Protection des données - Demande d'informations concernant des données trai...
Karar Dilini Çevir:
A-6859/2015 - Abteilung I - Protection des données - Demande d'informations concernant des données trai...
B u n d e s v e rw a l t u ng s g e r i ch t
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i f f éd é r a l
T r i b u n a l e am m in i s t r a t i vo f e d e r a l e
T r i b u n a l ad m i n i s t r a t i v fe d e r a l








Cour I
A-6859/2015



Ar r ê t d u 8 s ep t emb r e 2 0 1 6
Composition
Jérôme Candrian (président du collège),
Christine Ackermann, Maurizio Greppi, juges,
Cécilia Siegrist, greffière.



Parties
1. X._______,
2. Y._______SA,
les deux représentées par Maître Bénédict Fontanet,
recourantes,



contre

Office fédéral de la police (fedpol),
Service juridique,
Nussbaumstrasse 29, 3003 Berne,
autorité inférieure.




Objet
Demande d'informations concernant des données traitées
dans les systèmes d'information de fedpol.



A-6859/2015
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Faits :
A.
Le 23 juin 2010, Y._______SA a déposé une demande d’autorisation de
séjour et de travail, en tant qu’administratrice et directrice, pour X._______,
ressortissante russe née le (…), auprès du Service de l’industrie, du com-
merce et du travail du canton du (…) (ci-après aussi : le Service cantonal).
Le 17 septembre 2010, le Service cantonal a préavisé favorablement la
demande d’autorisation de séjour et de travail précitée pour une durée
d’une année et a remis le dossier au Secrétariat d’Etat aux migrations SEM
pour approbation.
B.
B.a Ainsi saisi, le SEM a consulté l’Office fédéral de la police Fedpol qui,
le 6 juin 2011, lui a indiqué recommander le rejet de la demande d’autori-
sation de séjour et de travail de X._______, en précisant qu’il disposait
d’informations selon lesquelles cette dernière et Y._______SA seraient im-
pliquées dans des activités de blanchiment d’argent. Le SEM a transmis le
6 juillet 2011 une copie de cette écriture à Y._______SA et lui a donné la
possibilité de prendre position par écrit sur son intention de refuser l’appro-
bation fédérale de la demande d’autorisation de séjour et de travail pour
X._______.
B.b En date du 23 août 2011, Y._______SA et X._______ (ci-après aussi :
les requérantes) ont sollicité auprès du SEM, dans l’optique d’exercer leur
droit d’être entendues, la transmission de renseignements complets relatifs
au courrier de Fedpol du 6 juin 2011.
B.c Par écriture du 5 septembre 2011, le SEM a indiqué aux requérantes
que d’éventuels renseignements complets sur les « informations plausibles
de Fedpol » ne pouvaient être obtenus qu’auprès dudit office. Le SEM a
également accordé aux requérantes un nouveau délai au 15 septembre
2011 pour se prononcer sur ses intentions de refuser l’approbation aux
conditions de séjour sollicitée.
B.d Le 15 septembre 2011, les requérantes ont exercé leur droit d’être en-
tendues et ont sollicité la suspension de la procédure jusqu’à obtention des
renseignements utiles et nécessaires sollicités auprès de Fedpol. Elles ont
également souligné que les casiers judiciaires russe et suisse de
X._______ étaient vierges.
B.e Par décision du 22 septembre 2011, le SEM a refusé l’approbation de
la décision préalable du 17 septembre 2010 du Service cantonal relative à
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l’autorisation d’exercer une activité lucrative, en estimant que les conditions
juridiques à l’octroi d’une telle autorisation n’étaient pas remplies. Cette
décision a été confirmée sur recours par le Tribunal administratif fédéral
par arrêt du 26 août 2015 dans la cause C-5912/2011.
C.
Par écriture du 17 août 2015, les requérantes ont sollicité de Fedpol l’indi-
cation des données traitées dans les divers systèmes d’information dudit
office ainsi que la transmission du dossier y relatif.
D.
Par décision du 17 septembre 2015, Fedpol a refusé, en vertu de l’art. 7
de la loi fédérale du 13 juin 2008 sur l’index national de police (LSIP, RS
361.3) et de l’art. 9 al. 2 let. b de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la
protection des données (LPD, RS 235.1), de fournir aux requérantes l’in-
formation concernant le système informatisé de la police judiciaire fédérale
JANUS, en considérant que la communication des renseignements risque-
rait de compromettre une instruction pénale ou une autre procédure d’ins-
truction.

E.
Par mémoire du 21 octobre 2015, Y._______SA et X._______ (ci-après
aussi : les recourantes) ont interjeté recours à l’encontre de la décision de
Fedpol (ci-après aussi : l’autorité inférieure) auprès du Tribunal administra-
tif fédéral (ci-après aussi : le Tribunal), en concluant à l’annulation de la
décision attaquée et à la confirmation par l’autorité inférieure de l’absence
de données relatives au fichier JANUS ou, respectivement, à la communi-
cation de l’information aux recourantes. A l’appui de leur recours, les re-
courantes font valoir une violation de leur droit d’être entendues en souli-
gnant qu’elles n’ont jamais pu avoir connaissance des éléments concrets
sur lesquels l’autorité inférieure s’est basée afin de rendre son avis négatif.
En outre, de l’avis des recourantes, la décision ne serait pas suffisamment
motivée, puisqu’elle ne mentionnerait pas laquelle des deux recourantes
serait concernée par le refus. Enfin, les recourantes considèrent que l’auto-
rité inférieure n’aurait pas démontré l’existence d’une procédure pénale qui
fonderait le refus de l’information, de sorte qu’il n’existerait selon elles au-
cun risque concret de perturber gravement et de façon manifeste – par la
communication de l’information – une procédure en cours.

F.
Par mémoire en réponse du 18 janvier 2016, l’autorité inférieure a conclu
principalement au rejet du recours. A l’appui de son écriture, elle considère
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– s’agissant du grief relatif à la violation du droit d’être entendu – que seuls
les principes généraux de la procédure administrative s’appliqueraient à la
consultation du dossier, de sorte que l’intérêt public important, tel que la
sécurité intérieure ou extérieure de la Confédération, s’opposerait à la con-
sultation par les recourantes du dossier officiel. Ensuite, dite autorité in-
dique que le motif justifiant la restriction mentionnée à l’art. 9 al. 2 let. b
LPD ne devrait pas nécessairement résider dans l’existence d’une procé-
dure pénale, mais se réfèrerait également à la constatation des faits prévue
par la procédure administrative ou aux affaires administratives générales.
En outre, l’autorité inférieure précise qu’elle ne serait pas libre de répondre
à une demande de renseignement, mais devrait au contraire se conformer
à l’avis du maître de fichier. Dite autorité souligne qu’il lui appartiendrait
uniquement de vérifier que les données soient traitées conformément au
droit, ce qui serait le cas en l’occurrence. Enfin, l’autorité inférieure a pro-
duit un rapport officiel de la cause destiné à l’usage exclusif du Tribunal de
céans.

G.
Par ordonnance du 27 janvier 2016, le Tribunal de céans a informé les
parties que le rapport officiel et confidentiel de l’autorité inférieure ainsi que
le bordereau de pièces y afférent ne seraient pas portés à la connaissance
des recourantes.

H.
Par mémoire en réplique du 18 février 2016, les recourantes ont pour l’es-
sentiel confirmé le contenu de leurs précédentes écritures. Au surplus,
elles considèrent que le contenu essentiel du rapport officiel aurait dû à
tout le moins leur être communiqué, le cas échéant partiellement caviardé.
En outre, les recourantes précisent que l’absence de procédure pénale ou
de toute autre nature – qui aurait dû résulter d’une éventuelle instruction il
y a plusieurs années si les soupçons avaient été justifiés – confirmerait
l’absence de substance derrière les soupçons de blanchiment d’argent.

Par mémoire en duplique du 31 mars 2016, l’autorité inférieure a confirmé
le contenu de ses précédentes écritures.

Par observations finales du 21 avril 2016, les recourantes ont confirmé le
contenu de leurs précédentes écritures.

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I.
Par ordonnance du 26 avril 2016, le Tribunal a signalé aux parties que la
cause était gardée à juger, sous réserve de mesures d’instruction complé-
mentaires.

J.
Les autres faits et arguments des parties seront repris, en tant que besoin,
dans les considérants en droit qui suivent.

Droit :
1.
La procédure de recours est régie par la loi fédérale du 20 décembre 1968
sur la procédure administrative (PA, RS 172.021), pour autant que la loi
du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral n'en dispose pas autre-
ment (art. 37 LTAF, RS 173.32). Le Tribunal administratif fédéral examine
d'office sa compétence (art. 7 PA) et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis.
1.1 Conformément à l'art. 31 LTAF, le Tribunal connaît, sous réserve des
exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, des recours contre les décisions au
sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF. En
l’occurrence, Fedpol, qui est une unité de l’administration fédérale subor-
donnée au Département fédéral de justice et police DFJP, constitue une
autorité précédente au sens de l’art. 33 let. d LTAF (cf. arrêt du Tribunal
administratif fédéral A-6315/2012 du 19 novembre 2013 consid. 2). Il est
aussi un organe fédéral au sens des art. 2 al. 1 let. b et 3 let. h LPD.
Le Tribunal, et singulièrement sa Cour I (cf. consid. 1.5 ci-après), est donc
compétent pour connaître du recours.
1.2 Destinataires de la décision attaquée qui les a déboutées de leurs con-
clusions en matière de protection des données, les recourantes ont qualité
pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Le recours, présenté dans le délai (art. 50
al. 1 PA) et les formes (art. 52 al. 1 PA) prescrits par la loi, est ainsi rece-
vable.
1.3 En sa qualité d’autorité de recours, le Tribunal dispose d’un plein pou-
voir d’examen en fait et en droit. Il revoit librement l’application du droit par
l’autorité inférieure, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation,
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la constatation des faits et l’opportunité de la décision attaquée (art. 49 PA).
Le Tribunal applique le droit d’office, sans être lié par les motifs invoqués
(art. 62 al. 4 PA), ni par l’argumentation juridique développée dans la déci-
sion entreprise (ATAF 2014/24 consid. 2.2).

1.4 L’objet du litige porte sur le droit d’accès des recourantes aux données
qu’elles présument que l’autorité inférieure traite à leur sujet dans le re-
gistre JANUS, seul ici en cause. Il s’agit plus précisément de déterminer
si, conformément aux dispositions en matière de protection des données,
l’autorité inférieure pouvait à bon droit refuser aux recourantes la commu-
nication de toute information.

1.5 La Cour I du Tribunal administratif fédéral est dès lors compétente dans
la mesure où le litige relève de la protection des données (cf. art. 23 al. 5
du règlement du Tribunal administratif fédéral du 17 avril 2008 [RTAF, RS
173.320.1] ; arrêts du Tribunal administratif fédéral A_1732/2015 du 13 juil-
let 2015 consid. 3, A_6315/2012 du 19 novembre 2013 consid. 3.3).

2.
Les recourantes se plaignent, en premier lieu, d’une violation de leur droit
d'être entendues par l'autorité inférieure. D’après les recourantes, elles
n'auraient jamais eu connaissance des éléments concrets sur lesquels
Fedpol se serait basé afin de rendre son avis négatif, lequel ne serait d’ail-
leurs pas suffisamment motivé. En outre, la décision querellée ne mention-
nerait pas clairement laquelle des deux recourantes serait concernée par
le refus.

2.1 Conformément à l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confé-
dération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101), toute personne a droit,
dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit
traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable (cf. JEAN-FRAN-
ÇOIS AUBERT/PASCAL MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale
de la Confédération suisse du 18 avril 1999, 2003, ad art. 29 Cst., n. 2). Ce
principe requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable
de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une
situation de net désavantage (cf. ATF 137 IV 172 consid. 2.6 et le renvoi à
la jurisprudence administrative). Pour sa part, le droit d’être entendu au
sens de l’art. 29 al. 2 Cst. garantit à toute personne le droit d’être informée
et entendue avant qu’une décision soit prise à son détriment. Ce droit d’être
entendu est confirmé par l’art. 29 PA. Ainsi l’administré a-t-il, en particulier,
le droit d’être informé de l’ouverture d’une procédure, de son déroulement,
de son contenu et de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son
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détriment (ATF 132 V 368 consid. 3.1, 129 II 497 consid. 2.2, 127 III 576
consid. 2c et les réf. cit. ; ATAF 2010/53 consid. 13.1). Enfin, l'art. 35 PA
garantit le droit à une décision motivée et implique l'obligation pour l'auto-
rité d'exposer les motifs de sa décision de manière à ce que le destinataire
de celle-ci puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu.
2.2 Le droit d'être entendu est de nature formelle, ce qui signifie que sa
violation suffit, si elle est particulièrement grave, à entraîner l'annulation de
la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours
sur le fond. Le motif relatif à ce moyen de droit doit donc être examiné en
priorité. En effet, si l'autorité de recours constate la violation du droit d'être
entendu, elle renvoie la cause à l'instance inférieure, qui devra entendre la
personne concernée et adopter une nouvelle décision, quand bien même
sur le fond celle-ci ne s'écarterait pas de la solution qu'elle avait retenue
lors de la décision annulée (cf. ATF 137 I 195 consid. 2.2, ATF 135 I 279
consid. 2, ATF 135 I 187 consid. 2.2; ATAF 2013/23 consid. 6.1.3; arrêts du
Tribunal administratif fédéral A-878/2015 du 17 septembre 2015 consid.
5.2, A-1323/2014 du 20 janvier 2015 consid. 4; ANDREAS AUER/GIORGIO
MALINVERNI/MICHEL HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 3ème
éd., Berne 2013, n. 1358 p. 619).
2.3 En l’occurrence, le Tribunal de céans considère que la décision du 17
septembre 2015 de l’autorité inférieure satisfait aux réquisits de formes et
de motivation découlant de la loi et de la jurisprudence. En effet, et contrai-
rement à ce que soutiennent les recourantes, il ressort clairement de l’objet
du prononcé querellé que le refus de l’information JANUS, ainsi que d’ail-
leurs l’ensemble des autres points non contestés dans le cadre de la pré-
sente procédure, ont trait aux deux recourantes. Par ailleurs, la décision,
qui contient toutes les bases légales pertinentes ainsi que le motif de refus
de l’information, est suffisamment motivée. L’on ne saurait en effet exiger
de l’autorité inférieure qu’elle motive davantage sa décision et fournisse
d’autres renseignements sur un éventuel enregistrement de données poli-
cières dans JANUS, sous peine sinon de priver le litige au fond de tout
objet. En effet, dans une telle hypothèse, l’objet de la présente procédure
se résumerait à un examen de la légalité du refus d’informer, sans pouvoir
toutefois réparer le préjudice engendré par les informations déjà trans-
mises.
Il s’ensuit que le grief des recourantes relatif à la violation de leur droit
d’être entendues doit être rejeté.
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3.
Il convient de faire appel aux règles de droit matériel déterminantes avant
d’examiner les autres griefs des recourantes.
3.1 La police judiciaire fédérale PJF, au sein de l’Office fédéral de la police
Fedpol, est l’office central suisse de lutte contre le crime international or-
ganisé (cf. art. 1 al. 1 de la loi fédérale sur les Offices centraux de police
criminelle de la Confédération du 7 octobre 1994 [LOC, RS 360], en lien
avec l’art. 1 let. b de l’ordonnance du 30 novembre 2001 concernant l’exé-
cution des tâches de police judiciaire au sein de l’Office fédéral de la police
[RS 360.1]). A ce titre, elle est notamment chargée de démasquer les or-
ganisations criminelles, telles qu’elles sont définies à l’art. 260ter du code
pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP, RS 311.0), et de lutter contre les
infractions commises par ces organisations. La police judiciaire fédérale a
également pour tâche de découvrir et de combattre les infractions relevant
de la criminalité économique sur lesquelles le Ministère public de la Con-
fédération peut ouvrir une procédure préliminaire (art. 7 al. 1 et 2 LOC).
La police judiciaire fédérale traite par conséquent des informations rela-
tives au crime international organisé, qu’elles émanent de Suisse ou d’un
pays étranger, et se procure les informations nécessaires en exploitant les
sources accessibles au public, en demandant des renseignements, en
consultant les documents officiels, en enregistrant et en exploitant des
communications, en enquêtant sur l’identité ou le lieu de séjour de per-
sonnes et en exploitant des informations obtenues par observations (art. 2
et 3 LOC ; voir également art. 9 de l’ordonnance sur le système informatisé
de la Police judiciaire fédérale du 15 octobre 2008 [ordonnance JANUS,
RS 360.2]).
3.2
3.2.1 Dans la mesure où elle entre en considération dans la présente af-
faire, la LSIP règle l’utilisation des systèmes d’information de police fédé-
raux, qui concernent le réseau de systèmes d’information de police, le sys-
tème de recherches informatisées de police, la partie nationale du système
d’information Schengen, l’index national de police et le système de gestion
des affaires et des documents de l’Office fédéral de la police (art. 1 et 2
LSIP). Ces différents systèmes d’information de police sont mis en œuvre
pour permettre aux autorités exerçant des fonctions de poursuite pénale,
de police et de maintien de la sécurité intérieure d’accomplir leurs tâches
(art. 3 al. 1 LSIP).
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3.2.2 En vertu de l’art. 3 al. 2 LSIP, les autorités fédérales de police sont
habilitées à traiter des données sensibles et des profils de la personnalité
et à les communiquer aux autorités cantonales de police et de poursuite
pénale ainsi qu’à d’autres autorités suisses et étrangères. Les données
personnelles peuvent être traitées dans la mesure où elles s’avèrent né-
cessaires à l’exécution de tâches légales. Sont ainsi traitées dans JANUS
les données nécessaires à la reconnaissance et la lutte contre le crime
organisé, la lutte contre la criminalité économique, la lutte contre le blan-
chiment d’argent, ainsi que la lutte contre les délits de corruption au sens
de l’art. 227 al. 1 et al. 2 CP et des art. 7 et 9 LOC (cf. art. 3 al. 1 let. b, f, g
et h de l’ordonnance JANUS). En matière de lutte contre le crime organisé,
le Conseil fédéral a précisé que les données traitées dans JANUS concer-
nent les organisations que l’on peut raisonnablement soupçonner de cons-
tituer des organisations criminelles au sens de l’art. 260ter CP, les per-
sonnes que l’on peut raisonnablement soupçonner de préparer, de faciliter
ou commettre des actes délictueux dont on peut présumer qu’ils sont le fait
d’une organisation criminelle, et les personnes que l’on peut raisonnable-
ment soupçonner d’appartenir à une organisation criminelle ou de lui ap-
porter leur soutien (cf. art. 8 al. 2 de l’ordonnance JANUS). Selon la volonté
du législateur, les activités de détection précoce des formes les plus graves
du crime international organisé justifient la possibilité, pour les organes
précités de la Confédération, de traiter des données à l’insu des personnes
concernées (art. 11 al. 6 LSIP ; cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral A-
6315/2012 du 19 novembre 2013 consid. 4.2).
3.3 Dans ce contexte, le législateur a fait le choix d’élaborer une réglemen-
tation spéciale pour le traitement des demandes de renseignements con-
cernant les données ayant trait à la protection de la sûreté intérieure ou
extérieure du pays. A cet égard, l’art. 7 LSIP prévoit d’ailleurs que le droit
d’accès est régi par les art. 8 et 9 LPD.
3.4
3.4.1 Le droit d'accès, dans son principe, est garanti par l'art. 8 LPD. Selon
l'alinéa 1 de cette disposition, toute personne peut demander au maître
d'un fichier si des données la concernant sont traitées. Plus particulière-
ment, en vertu de l'art. 8 al. 2 let. a LPD, le droit d'accès s'étend à toutes
les données relatives à une personne qui se trouvent dans un fichier de
données, c'est-à-dire à toutes les données qui se rapportent à cette per-
sonne (art. 3 let. a LPD) et qui peuvent lui être attribuées par voie de clas-
sement (art. 3 let. g LPD).
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3.4.2 Selon l'art. 9 al. 2 let. b LPD, le maître du fichier peut refuser ou res-
treindre la communication des renseignements demandés, voire en différer
l'octroi, dans la mesure où notamment la communication des renseigne-
ments risque de compromettre une instruction pénale ou une autre procé-
dure d'instruction. D’après la jurisprudence et la doctrine, ceci signifie de
première part qu’il n’est pas nécessaire que l’enquête en question se réfère
à la personne en cause ou qu’elle ait lieu en Suisse. D’autre part, il découle
de la teneur de la disposition qu’il faut un risque de compromettre une ins-
truction en cours et non pas de manière générale n’importe quelle procé-
dure qui est pendante. En outre, le motif justifiant la restriction mentionnée
à l’art. 9 al. 2 let. b LPD ne doit pas nécessairement résider dans l’existence
d’une procédure pénale, mais peut également avoir trait à la constatation
des faits prévue par la procédure administrative ou aux affaires administra-
tives tout à fait générales, dans lesquelles la maxime de l’instruction et la
maxime d’office revêtent une grande importance (STEPHAN C. BRUNNER,
in: Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren
(VwVG), 2008, ch. marg. 36 ad art. 27). La restriction du droit à la commu-
nication entre dès lors en considération lorsqu’il est à craindre ou qu’il est
clair que le déroulement de la procédure, respectivement de l’instruction,
soit considérablement entravé par la communication du renseignement ou
que l’accomplissement approprié des tâches de l’administration soit remis
en question. Les motifs justifiant la restriction de l’accès aux données ne
sont applicables que si les conditions nommées sont réunies et si, confor-
mément au principe de proportionnalité, le refus d’informer constitue le
moyen le moins contraignant pour garantir la protection d’intérêts prépon-
dérants (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral A-7508/2009 du 23 août
2010 consid. 2.2.1 et les réf. cit.).
3.5
3.5.1 Au cas d’espèce, l’autorité inférieure a refusé aux recourantes l’infor-
mation concernant le système informatique de la Police judiciaire fédérale
JANUS, au motif que la communication des renseignements risquerait de
compromettre une instruction pénale ou une autre procédure au sens de
l’art. 9 al. 2 let. b LPD.

3.5.2 Il sied à cet égard de rappeler que l’autorité inférieure est – en tant
qu’exploitante du système d’information JANUS – responsable du traite-
ment des demandes de renseignements concernant ce système d’informa-
tion et ses sous-systèmes. Elle vérifie, en vertu de l’art. 4 LPD et de l’art. 6
al. 1 LSIP, si les données enregistrées dans le système d’information sont
erronées ou devenues obsolètes et si elles sont traitées dans le but indiqué
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lors de leur collecte. Les buts de JANUS sont mentionnés de manière ex-
haustive aux art. 10 et 11 LSIP et concrétisés par l’art. 2 de l’ordonnance
JANUS. Pour déterminer si et dans quelle mesure la communication de
renseignements ou l’effacement de données risque de compromettre une
instruction pénale ou une autre procédure d’instruction, l’autorité inférieure
se réfère aux avis de l’autorité émettrice (art. 7 al. 2 LSIP). Comme le sou-
ligne à juste titre l’autorité inférieure dans sa réponse au recours, ladite
autorité – après réception de l’avis de l’autorité émettrice – vérifie unique-
ment si le but du traitement est respecté, si les informations reçues sont
nécessaires et correctes et si, en cas de refus d’informer, les conditions
prévues à l’art. 9 LPD sont remplies (cf. arrêt du Tribunal administratif fé-
déral A-7508 du 23 août 2010 consid. 2.2.2).
3.5.3 En l’occurrence, et après examen de l’ensemble du dossier et plus
particulièrement du rapport officiel confidentiel, rien ne permet d’infirmer
les considérations de l’autorité inférieure selon lesquelles toutes les con-
signes légales de transmission et de traitement des données auraient été
vérifiées et respectées par ladite autorité.
4.
Il convient à présent d’examiner les griefs des recourantes dans la mesure
où les intérêts dignes de protection à la confidentialité le permettent.
4.1 Les recourantes considèrent que l’autorité inférieure aurait violé l’art. 9
al. 2 let. b LPD, puisqu’elle n’aurait pas démontré l’existence d’une procé-
dure pénale qui fonderait le refus de l’information, de sorte qu’il n’existerait
aucun risque concret de perturber gravement et de façon manifeste – par
la communication de l’information – une procédure en cours. En outre, elles
invoquent l’art. 27 PA afin de pouvoir accéder au rapport officiel confidentiel
produit par l’autorité inférieure dans le cadre de la procédure de recours.
4.1.1 En l’occurrence, le Tribunal de céans considère que le grief relatif à
la violation de l’art. 9 al. 2 let. b LPD tombe à faux et ce, pour les raisons
qui suivent. En effet, et contrairement à ce que soutiennent les recou-
rantes, l’autorité inférieure peut en toute légitimité se fonder sur l’art. 9 al.
2 let. b LPD afin de – après avoir consulté l’autorité émettrice – refuser de
transmettre le renseignement sollicité. L’autorité inférieure ne peut en tout
état de cause faire fi du préavis de l’autorité émettrice et il lui appartient,
en présence d’un intérêt public prépondérant opposé, de refuser de trans-
mettre le renseignement requis. En d’autres termes, l’autorité fédérale n’est
pas libre de répondre à une demande de renseignement, mais doit se con-
former à l’avis du maître du fichier au sujet des informations en cause (cf.
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à ce sujet l’arrêt du Tribunal administratif fédéral A-7508/2009 du 23 août
2010 consid. 3.1). En outre, et dans le cas où ladite autorité donnerait une
suite favorable à la requête des recourantes en ignorant le préavis de
l’autorité émettrice, force serait de constater qu’elle violerait – selon le prin-
cipe de la bonne foi – les obligations internationales de la Suisse et com-
promettrait fortement les relations du pays avec l’étranger.
Enfin, et contrairement à ce qu’estiment les recourantes, le fait que les ca-
siers judiciaires suisse et russe soient vierges de toute inscription ne sau-
rait renverser les éléments qui précèdent, puisque le motif justifiant la res-
triction mentionnée à l’art. 9 al. 2 let. b LPD ne doit pas nécessairement
résider dans l’existence d’une procédure pénale, mais peut également
avoir trait à la constatation des faits prévues par la procédure administra-
tive ou aux affaires administratives tout à fait générales, dans lesquelles la
maxime de l’instruction et la maxime d’office revêtent une grande impor-
tance (cf. consid. 3.4.2 ci-avant).
4.1.2 Au surplus, les recourantes ne sauraient tirer aucun argument de
l’art. 27 PA afin d’obtenir, par la bande, un nouvel examen des conditions
de l’art. 9 LDP en invoquant des garanties procédurales relatives au droit
d’accès au dossier de la procédure, faute de quoi cette disposition devien-
drait lettre morte (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6315/2012 du
19 novembre 2013 consid. 5.4). Il sied de rappeler à cet égard que le fait
de donner accès aux recourantes au dossier officiel de la procédure ainsi
qu’à ses annexes aurait eu pour conséquence de priver le présent litige de
tout objet (cf. consid. 2.3 ci-avant). En effet, si le contenu du rapport officiel
et de ses annexes devait être communiqué par l’entremise de l’art. 27 PA,
ceci équivaudrait à trancher en faveur des recourantes la question de la
transmission de renseignements sur l’éventuel enregistrement de données
policières dans JANUS. Cela étant, ladite question a déjà été tranchée né-
gativement par l’autorité inférieure dans le prononcé querellé et le Tribunal
de céans a considéré que ce refus était justifié (cf. consid. 3.5.3 ci-avant),
de sorte qu’il n’y a pas lieu de revenir sur ce point dans le cadre d’un grief
relatif à la consultation du dossier au sens de l’art. 27 PA.

4.2 De l’ensemble des considérants qui précèdent, il résulte que, en refu-
sant de transmettre aux recourantes l’information concernant le système
informatisé de la Police judiciaire JANUS, l'autorité inférieure a correcte-
ment appliqué le droit fédéral.

Il s'ensuit que le recours doit être rejeté.

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Page 13
5.
5.1 En application de l'art. 63 al. 1 PA et des art. 2 et 4 du règlement du
21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tri-
bunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2), les frais de procédure,
arrêtés en l’occurrence à 2'000 francs, sont, vu l’issue de la cause, mis à
la charge des recourantes solidairement entre elles. Ils seront prélevés sur
l'avance de frais du même montant déjà effectuée.

5.2 Le Tribunal peut allouer d'office ou sur requête à la partie ayant entiè-
rement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indis-
pensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés (art. 64 al. 1
PA et art. 7 ss FITAF. Les autorités fédérales et, en règle générale, les
autres autorités parties, n'ont pas droit aux dépens (art. 7 al. 3 FITAF). Au-
cune indemnité de dépens ne sera donc allouée en l’espèce.

6.
Les décisions du Tribunal administratif fédéral en matière de protection des
données sont communiquées au Préposé fédéral à la protection des don-
nées et à la transparence, conformément à l'art. 35 al. 2 de l'ordonnance
du 14 juin 1993 relative à la loi fédérale sur la protection des données
(OLPD, RS 235.11).
(le dispositif est porté à la page suivante)

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Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :
1.
Le recours du 21 octobre 2015 est rejeté.
2.
Les frais de procédure, d'un montant de 2’000 francs, sont mis à la charge
des recourantes solidairement entre elles. Ce montant sera entièrement
prélevé sur l'avance de frais du même montant déjà effectuée.
3.
Il n’est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est adressé :
– aux recourantes (Acte judiciaire)
– à l'autorité inférieure (Acte judiciaire)
– au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence
(pour information)

Le président du collège : La greffière :

Jérôme Candrian Cécilia Siegrist

Indication des voies de droit :
La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000
Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les
trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Le
mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les
conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision
attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour
autant qu'ils soient en mains du recourant (art. 42 LTF).
Expédition :