86 II 311 - Schweizerisches Bundesgericht
Karar Dilini Çevir:
86 II 311 - Schweizerisches Bundesgericht
Urteilskopf
86 II 311


49. Extrait de l'arręt de la IIe Cour civile du 29 septembre 1960 dans la cause B. contre B.
Regeste
Art. 314 Abs. 2 ZGB. Gegenstand des Beweises und Verteilung der Beweislast. Anwendung der Beweisregeln auf den Fall, dass der Dritte, der der Kindsmutter beigewohnt hat, sich nach kantonalem Prozessrecht weigern kann, sich einer Blutgruppenuntersuchung zu unterziehen, und von dieser Befugnis Gebrauch macht.
Sachverhalt ab Seite 311
BGE 86 II 311 S. 311
A.- Judith B. accoucha, le 12 septembre 1958, d'une fille qu'elle prénomma Thérčse-Sarah. Selon la déclaration de la sage-femme, l'enfant était née ŕ terme, pesait 3 kg et mesurait 48 cm. Judith B. en attribua la paternité ŕ Fernand B., bien qu'elle eűt aussi entretenu des relations intimes avec le frčre de celui-ci, Charles B.
B.- La mčre et l'enfant, ayant essuyé un refus, ont ouvert action. Le défendeur reconnut les relations, mais souleva l'exceptio plurium constupratorum; selon lui, son frčre Charles avait encore cohabité avec la demanderesse le 1er décembre 1957, soit pendant la période critique. Ce dernier avoua des relations incomplčtes et refusa de se soumettre ŕ une analyse de son sang.Par jugement du 11 mai 1959, le Tribunal de la Glâne a admis les demandes. Le Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté l'action par arręt du 15 mars 1960.
C.- Les demanderesses recourent en réforme au Tribunal fédéral. L'intimé conclut au rejet du recours. BGE 86 II 311 S. 312
Erwägungen
Considérant en droit:
1. L'intimé a reconnu avoir cohabité avec la mčre durant la période critique. Sa paternité est donc présumée (art. 314 al. 1 CC). Il est toutefois constant que la mčre a entretenu ŕ la męme époque des relations sexuelles avec le frčre de l'intimé, Charles B. D'aprčs la jurisprudence, la présomption cesse, car le commerce charnel avec un tiers est un fait permettant d'élever des doutes sérieux sur la paternité du défendeur (art. 314 al. 2 CC). Ce doute n'a pas été levé. Certes, la recourante prétend que les relations du 1er décembre 1957 furent incomplčtes. Comme le relčve la cour cantonale, cet argument n'est pas valable. La recourante affirme également que ses derničres rčgles datent de la mi-décembre. Elle se met ainsi en contradiction avec elle-męme; elle prétendait en effet, en premičre instance, ne plus se souvenir si elle avait été indisposée en décembre; c'est dans la réponse au recours en appel qu'elle a recouvré la mémoire; la cour cantonale, en taisant le fait, l'a implicitement nié; cette constatation lie le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ). L'arręt attaqué conclut enfin du rapprochement entre les dates des relations et celle de la naissance que la paternité du tiers, vu le degré de développement de l'enfant, n'est pas hautement invraisemblable. Il ne restait donc plus aux recourantes qu'ŕ tenter de prouver, par l'analyse du sang, que le frčre du défendeur et intimé ne pouvait ętre le pčre de l'enfant. Elles ont échoué: Charles B. ne s'est pas pręté ŕ cette expertise et les juges cantonaux ont estimé qu'ils ne pouvaient le contraindre (RO 82 I 234 ss.).La seule question qui se pose est dčs lors celle de savoir si cet échec doit ętre supporté, en vertu du droit fédéral (art. 43 OJ), par les recourantes ou, comme celles-ci l'affirment, avec STREBEL (RSJ 1959, vol. 55, p. 65 ss.), par l'intimé.
2. Le but et l'effet ŕ quoi tend la preuve des faits décrits ŕ l'art. 314 al. 2 CC sont d'infirmer la présomption BGE 86 II 311 S. 313légale de l'al. 1 de cette disposition. Cette présomption juris tantum souffre en effet qu'on la détruise. Elle repose sur un fait-indice: la cohabitation au cours d'une certaine période dite critique. Une fois l'indice constaté, on en doit conclure de par la loi (c'est la nature męme de la présomption légale) que la conception est le fruit des oeuvres du défendeur et que celui-ci est le pčre de l'enfant venu au monde. La partie demanderesse est dispensée de prouver la conception et la paternité. D'une maničre plus générale, la cohabitation est censée avoir entraîné la conception.L'objet de la preuve permise par l'art. 314 al. 2 CC répond ŕ son but comme aussi ŕ la nature de la présomption en soi et ŕ son utilisation ŕ l'art. 314 al. 1 CC. Il est d'établir des faits permettant d'élever des doutes sérieux sur la paternité du défendeur. De męme que les demanderesses ne doivent pas démontrer la certitude de la paternité, il n'est pas nécessaire que le défendeur établisse qu'il n'est certainement pas le pčre. Il suffit que l'on conçoive des doutes sérieux, c'est-ŕ-dire propres ŕ rendre incertaine la conclusion que la loi tire de la cohabitation.Un tel doute naît lorsque la mčre a entretenu, durant la période critique, des relations sexuelles avec un second amant. Si en effet, faute de preuve positive sűre, on conclut de la cohabitation ŕ la paternité, cette présomption vaut pour tout commerce charnel, donc aussi pour les oeuvres du tiers. Aussi a-t-on toujours admis que la paternité de l'amant recherché cessait d'ętre présumée dans une telle hypothčse. STREBEL lui-męme, semble-t-il, accorde que ce fut avec raison; il s'exprime en effet comme si ce ne devait plus ("nicht mehr"; cf. loc.cit. p. 67, second alinéa) ętre le cas.
3. Le droit fédéral ne rčgle pas seulement l'objet, mais aussi le fardeau de la preuve, laissant en revanche aux procédures cantonales le soin d'en prévoir le mode et d'en ordonner l'administration (RO 84 II 537). Dire ŕ qui incombe le fardeau de la preuve, c'est désigner la BGE 86 II 311 S. 314partie en défaveur de qui le juge doit statuer si la preuve n'est pas rapportée d'un élément de fait de la disposition légale appliquée. Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allčgue pour en déduire son droit (art. 8 CC). En matičre de paternité, la répartition particuličre du fardeau de la preuve tient ŕ l'existence d'une présomption. La partie demanderesse doit prouver le fait-indice, la cohabitation durant la période critique: la loi elle-męme conclut, sous réserve de la preuve contraire, ŕ la paternité du défendeur. C'est dčs lors celui-ci qui, logiquement, doit infirmer la présomption (soit la conclusion légale), puisque la loi ne demande d'abord que d'établir la cohabitation de la mčre avec lui. Ce qu'il doit démontrer a été précisé dans le considérant précédent. Le succčs de la preuve consiste dans la mise ŕ néant de la présomption. Dans ce cas, comme la cause premičre et nécessaire des conséquences légales prévues aux art. 317 ss. CC est la paternité et que la présomption est tombée, force est d'exiger de la partie qui prétend un de ces droits qu'elle en prouve le fondement (soit la paternité) ou, du moins, qu'elle lčve les doutes sérieux et fasse renaître la présomption. Dans l'hypothčse soumise ŕ l'examen de la cour de céans, elle tentera de démontrer que la paternité du tiers est exclue (en apportant la certitude atténuée exigée par la jurisprudence relative ŕ l'expertise par analyse du sang).Cette répartition logique du fardeau de la preuve est équitable. Si le défendeur veut infirmer la présomption de sa paternité par une analyse des sangs, c'est ŕ lui qu'il incombe de requérir cette expertise. Il n'est pas choquant que la partie demanderesse, quand elle a perdu le bénéfice de la présomption, doive se charger de faire renaître celle-ci en recourant ŕ la męme expertise.
4. Deux considérations ont amené STREBEL ŕ reviser ces principes de la jurisprudence.a) Il lui paraît tout d'abord injuste que la mčre et l'enfant perdent le procčs lorsque la preuve par expertise BGE 86 II 311 S. 315est impossible en raison du refus du tiers (témoin ou non) de s'y soumettre. Ce n'est pas lŕ un problčme nouveau. C'est męme principalement pour le cas oů la preuve échoue que l'on dit ŕ qui elle incombe. Peu importent les causes de l'échec. Il existe du reste d'autres impossibilités que celle ŕ laquelle se sont heurtées les recourantes: on n'a jamais songé ŕ modifier pour autant la répartition du fardeau de la preuve. Ainsi, un tiers qui a cohabité avec la mčre peut mourir avant qu'un expert procčde ŕ l'analyse de son sang. Voici un autre exemple. Les lois cantonales de procédure interdisent parfois d'entendre comme témoins certaines personnes. Si le témoignage de l'une d'elles est la seule preuve possible des relations sexuelles, on ne pourra les constater. (C'est ainsi que l'art. 115 al. 1 ch. 3 de la procédure civile de Bâle-Ville interdit d'entendre les frčres et soeurs). Dans l'un comme dans l'autre cas, l'impossibilité de la preuve n'entraîne pas une modification de la répartition de son fardeau.b) Si séduisante qu'elle soit, la seconde objection est tout aussi peu déterminante que la précédente. Elle tend ŕ interpréter différemment la loi depuis que la science permet d'exclure la paternité et que ses conclusions ont été admises par les tribunaux; la portée traditionnelle conférée ŕ l'art. 314 CC était juste autrefois; elle ne l'est plus. On voit immédiatement qu'une telle argumentation contingente est fallacieuse et cause d'insécurité. L'objet et le fardeau de la preuve une fois déterminés par la loi ne sauraient ętre modifiés que par une revision. On pourrait soutenir logiquement que l'application de la loi était inexacte dčs le principe, mais non pas qu'elle devrait varier au gré des progrčs de la science. Ceux-ci ont trait, en effet, ŕ la force probante d'un moyen de preuve, non ŕ l'objet ni au fardeau de celle-ci. Du reste, si l'on veut aujourd'hui n'admettre un doute comme sérieux qu'ŕ des conditions plus rigoureuses, il est faux de demander des certitudes; c'est un doute que la loi exige; on a vu quelle en est la nature. BGE 86 II 311 S. 316
5. Il n'est pas sans intéręt de souligner que le débat s'avčre souvent, en fait, inutile. Le juge cantonal en effet, dans les limites de son pouvoir d'apprécier les preuves, pourra toujours, si la mčre nie les relations avec le tiers, entendre celui-ci avec circonspection, surtout s'il paraît ętre de connivence avec le défendeur. STREBEL lui-męme entrevoit cette possibilité (p. 67 litt. c). Point n'est besoin de trahir le sens clair de l'art. 314 CC. Quant aux dispositions cantonales qui persistent ŕ préférer la liberté individuelle du tiers ŕ la découverte de la vérité si nécessaire ŕ la mčre et ŕ l'enfant, il n'y a qu'ŕ souhaiter que les cantons procčdent ŕ leur revision (cf. RO 82 I 234 ss.).On ne saurait modifier la portée du droit fédéral ŕ seule fin de corriger une disposition cantonale peu satisfaisante.
6. .....
Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:Le recours est rejeté et l'arręt attaqué est confirmé.